Dans la nuit sans profondeur
La beauté farouche se dévoile
A l’abri des regards blafards
De contrejours aigus elle se farde
De paradoxes ambigus elle se pare
Ce soir la grande Lune a chassé ses rayons
Aucun halo brumeux pour chamarrer la noirceur ambiante
Le talon filiforme qui aiguise le mollet
La robe anthropomorphe qui attise la rondeur callipyge
La blancheur virginale de la gorge enamourée du bustier pigeonnant
Le cil ébène outré en frondaison
La chevelure léonine effarouchée sur les épaules dénudées
Et dans la moiteur effrontée des corps qui se frôlent sans se voir, qui se désirent de se repousser
La déesse aux mille regrets parfume de son aura électrique la scène extatique
Les regards ludiques admirent ses courbes en ignorant de leur dédain son visage d’ange déchu paré du masque de la luxure
Mais ce soir est un autre soir.
Un soir où tout bascule.
Dans la pénombre volatile une autre âme noctambule attend l’heure fatale.
Son être androgyne à la plastique latexée ondule au sein de la foule, passe inaperçu sans s’y mêler.
Les pulsations électroniques ne magnétisent pas les battements érotiques de son cœur.
Et quand la porte arrière claque dans la ruelle humide libérant la danseuse démaquillée, il est là, fort de sa différence et de son indifférence au monde futile.
La lune éclaire de son aura laiteuse leur rencontre.
Tels deux aveugles, leurs mains se touchent et se parlent, leurs bouches s’entrouvrent gourmandes, leurs corps s’apprivoisent et le dialogue muet de leurs regards s’incarne.
Les grillons célestes poussent le chant de la terre et la nature accueille l’union de ces deux êtres paradoxaux en son giron divin.
Les masques sont tombés, piétinés.
Dans leur nudité originelle, débarrassés de leurs oripeaux, les deux enfants se glissent dans un cocon virginal sans apparat.
Et s’adonnent aux jouissances immémoriales.
La solitude a trouvé son double, son écho.
Et nul ne sait si cette nuit dure un instant ou l’éternité.
Mais le temps est suspendu.
M.D.
« NIN », le nouvel EP de Senbeï, disponible sur Youtube.