- Rock’N Solex 50ème édition (4-8 mai 2017) : Rock, Solex et Culture Bretonne
- RENNES, UNE BREVE HISTOIRE DU ROCK – 2ème partie : 76/80s
- RENNES, UNE BREVE HISTOIRE DU ROCK – 1ère partie : 60s-70s
- ESCAPADE A RENNES, LE MELBOURNE BRETON
- MARQUIS DE SADE (1977-1981) : cinq européens en costumes électriques
- FRANK DARCEL ECRIVAIN
- GLENN JEGOU, DEFENSEUR DE LA MUSIQUE BRETONNE A DANSER
- Le bistrot, la Rue de la Soif… : une sociabilité à la française
- Philippe Tournedouet, un indémodable qui se renouvelle
- RENNES TOUJOURS ‘’CAPITALE DU ROCK’’ EN 2017 ?
Glenn Jégou est depuis 1998 le Directeur Artistique de l’entente culturelle du pays de Rennes Skeudenn Bro Roazhon (‘’Image du Pays de Rennes’’ en breton), l’une des quinze ententes de pays en Bretagne. Rencontre avec ce passionné de la Culture bretonne, en perpétuel mouvement et ouvert sur le monde.
Quelles sont les missions de Skeudenn Bro Roazhon ?
Skeudenn Bro Roazhon s’est donnée pour mission de rassembler, d’animer et de faire connaître toutes les facettes de la culture bretonne en pays de Rennes.
Elle compte aujourd’hui une soixantaine d’associations membres et fait vivre la culture bretonne sur tout le territoire du pays rennais au travers d’une programmation annuelle éclectique qui met en valeur les créations les plus novatrices.
Tout au long de l’année, rencontres, fest-deiz (‘’fête de jour’’ en breton) et fest-noz (‘’fête de nuit’’ en breton) sont organisés par notre association et mis en valeur au travers de moments forts pour la culture bretonne tels que : la Fête de la Bretagne (du 13 au 21 mai 2017), la Semaine du breton et du gallo, les Mercredis du Thabor, Devezh ar Brezhoneg et le Festival Yaouank.
Que diriez-vous pour présenter le festival Yaouank ?
Yaouank (‘’jeune’’ en breton) a vu le jour en 1999 et est aujourd’hui le plus grand fest-noz de la Bretagne, accueillant chaque année près de 10.000 personnes. Il se déroule chaque année en novembre sur une période de trois semaines et propose des concerts de musiques bretonnes actuelles, des animations, des films en langue bretonne et le fest-noz lors de la soirée finale. C’est aussi un véritable tremplin pour les nouveaux jeunes talents de demain.
L’image de la musique bretonne à danser a pu parfois être galvaudée. On pense tout de suite aux sonneurs de couple traditionnels et aux chanteurs de ‘’kan ha diskan’’, ce que l’on nomme le ‘’trad-core’’. Ça reste important mais le spectre de la musique bretonne avec des sons plus évolutifs est bien plus large aujourd’hui.
Qui sont les artistes ayant marqué la musique bretonne à danser et plus particulièrement l’histoire du festival ?
Les années 70s ont vu apparaître des figures majeures telles que les Tri Yann, groupe de chanson bretonne et de musique folk rock celtique, Alan Stivell, qui a contribué à la renaissance de la harpe néo-celtique et de la musique bretonne moderne, notamment grâce à l’électrification de cette musique, Gilles Servat, dont le début de carrière a été marqué par la chanson ‘’La Blanche Hermine’’ qui est devenue un symbole dans la Bretagne armoricaine ou encore Glenmor (« terre-mer » en breton), très engagé dans la défense de l’identité bretonne.
Dans les années 90, les Ar Re Yaouank des frères Guichen ont révolutionné la scène du fest-noz, grâce à leur énergie, des sonorités très rock’n’roll et leur Breizh rock attitude sur scène. Ils ont ramené la jeunesse vers les fest-noz qui étaient perçus comme ringards.
On peut citer également Denez Prigent qui reçut une ovation du public rock des Transmusicales en décembre 1992 et qui fut le parrain de l’édition 2005 du festival Yaouank, Plantec, Carré Manchot et les retours de Alan Stivell et Dan ar Braz.
Comment définiriez-vous la culture bretonne ?
Elle est multiple.
La Bretagne est un pays, un territoire avec une identité culturelle forte dont la langue bretonne est la colonne vertébrale et qu’il nous faut préserver et promouvoir. Malgré le succès des filières bilingues et immersives, il faut bien constater que le nombre de locuteurs est en baisse. On estime aujourd’hui à 200 ou 250.000 personnes qui sont capables d’échanger en breton, comparé à un million au début du XXe siècle. A l’ouest d’une ligne allant de St Brieuc à Vannes, tout le monde parlait breton. Rares étaient ceux qui parlaient français.
L’histoire, le patrimoine culturel matériel, la littérature et les transmissions de savoir (chants, contes, légendes) sont immenses et très riches, et font que la culture de la Bretagne s’apparente à celle d’un pays.
Rennes est-elle la capitale de la musique bretonne ?
Ça le devient grâce aux 66.000 étudiants que compte la ville. La population rennaise est la plus jeune de Bretagne et l’une des plus jeunes de France avec Lille et Montpellier. Un habitant sur quatre a entre 15 et 25 ans. Il y a deux campus, des grandes écoles…
Ces étudiants viennent pour la plupart de toute la Bretagne. Ils ont appris la musique bretonne à travers des associations et des bagadous dans leur territoire propre (Vannetais, Trégor, Finistère, Pays Nantais, etc.).
Rennes est devenu un laboratoire de toutes ces musiques bretonnes.
De jeunes groupes se créent, comme les Morbihannais de Nâtah et Talskann, des cafés-concert tels que Ty Anna Tavarn ou Mod Koz Café proposent une programmation très active, Tamm-Kreiz, le site internet du fest-noz et de la musique bretonne, regroupe l’agenda complet des fest-noz et fest-deiz, des infos sur les groupes, artistes, bagadoù, cercles celtiques… Des associations étudiantes et des clubs tels que le 1988 Live Club organisent régulièrement des fest-noz…
Rennes bouillonne vraiment.
Grâce aussi au travail des structures comme le Conservatoire qui a un département de Musiques traditionnelles, aires culturelles bretonne et celtique avec Marc Clérivet, Mikaël Jouanno, Yvon Rouget et Christelle Uccelli qui sont de supers pédagogues.
Le Pont Supérieur, un des établissements d’enseignement supérieur spectacle vivant sous tutelle du Ministère de la Culture, et associé aux Universités de Nantes (Danse), Rennes 2 et Angers (Danse), forme les artistes du spectacle aux métiers d’interprète et de pédagogues dans les discipline de la danse, de la musique et du théâtre.
C’est le croisement entre les danseurs des esthétiques jazz, contemporain ou classique, les chefs d’ensemble vocal, les musiciens des musiques actuelles, ceux des musiques traditionnelles de l’aire bretonne et celtique, et les instrumentistes classiques.
Les axes principaux du projet du Pont Supérieur sont l’exigence artistique, les croisements des parcours, des esthétiques et des disciplines, l’expérimentation et la recherche et l’articulation avec le milieu professionnel interrégional et international. Les enseignements y sont d’une qualité remarquable.
Le groupe rennais Castor et Pollux est issu du Pont Supérieur.
Comment est né le festival Yaouank ?
Le festival est né dans l’une des grandes salles de réunion de l’Hôtel de Ville à Rennes. En 1998, j’étais en emploi jeunes à l’UPRACB (Union du Pays Rennais des Associations Culturelles Bretonnes), qui sera renommé plus tard Skeudenn Bro Roazhon (‘’L’image du pays de Rennes’’). L’Union ne comptait que vingt associations à l’époque.
Le CCIB (Comité Consultatif de l’Identité Bretonne), créé en septembre 1996 à Rennes, rassemblait des élus, des représentants associatifs et des personnes qualifiées, dont la mission était de valoriser la culture bretonne à Rennes. Il était présidé par Martial Gabillard, premier adjoint et adjoint à la culture d’Edmond Hervé pendant 31 ans à la mairie de Rennes, qui a beaucoup œuvré pour la promotion des musiques bretonnes.
La question de départ était : que pourrions-nous faire à Rennes pour intéresser les jeunes ? Les idées étaient diverses : créer des expositions, distribuer un ouvrage dans les écoles et collèges, etc. J’avais en tête depuis plusieurs années d’organiser un grand Fest-Noz à Rennes. Je regardais avec attention à l’époque ce qui se passait à Cléguérec, Châteauneuf et Gourin. Les fest-noz existaient à Rennes mais il manquait un rendez-vous majeur. J’ai fait cette proposition d’un grand fest-noz que je voulais gratuit et ils ont dit bingo ! Le budget fut trouvé et la première édition eut lieu le 30 octobre 1999 à la salle de la Liberté dans le centre-ville de Rennes.
Quelle est la philosophie du festival ?
L’envie de faire découvrir la pratique de la danse, de la musique, encourager la modernisation de la tradition au gré de créations et transmettre à travers les générations.
Comment le festival a-t-il évolué au fil du temps ?
La devise de la première édition du festival était ‘’Une journée pour découvrir, une nuit pour la fête’’, parce qu’il y avait un forum l’après-midi et le fest-noz le soir. Il fallait 2.500 personnes pour équilibrer le budget, nous en avons eu 5.000 !
Le festival a continué à se dérouler sur une journée les toutes premières années, puis sur deux jours. Il s’est ensuite étendu à d’autres salles (Le Jardin Moderne, l’Antipode, l’Espace, Ubu, etc.) et sur toute la métropole, à Chavagne, Domagné, Vern-Sur-Seiche,…
La dernière soirée s’est déroulée au Liberté jusqu’en 2004, avant que ne débutent les travaux de restauration de la salle. Depuis 2005, elle a lieu au Parc des Expositions. Nous avons eu quelques doutes au début car il peut être perçu comme un endroit froid. Nous n’avions pas les moyens financiers suffisants pour aménager le site. J’ai fait installer un parquet de 1200m² et ça a été un succès finalement.
L’endroit est très accessible pour le public qui vient d’un peu partout grâce aux nombreux emplacements de parking et au système de navette qui a été mis en place pour les Rennais. Le retour au Liberté ne s’est pas finalement pas fait.
C’est la 19e édition cette année, comment avez-vous orienté la programmation ?
Il y a des thématiques différentes selon les années. En 2016 par exemple, nous avons eu une sublime création avec l’Orchestre de Bretagne avec le Hamon-Martin Quintet.
L’édition 2017 sera très orientée ‘’bagadoù’’. Il y aura comme toujours des premières : j’ai passé des commandes de groupes, nous aurons les gagnants de différents concours. Nous avons des partenariats avec le trophée inter-lycées de musique bretonne, avec le festival du Grand Soufflet (NDLR : l’édition 2017 aura lieu du 4 au 14 octobre) autour d’un jeune accordéoniste, avec le trophée Roue Waroch à Plescop…
Il y aura beaucoup de nouveautés, quelques références, plus d’une vingtaine de formations qui passeront au Musik-Hall, des sorties d’albums et des bagadoù.
Comment choisissez-vous la programmation et quand est-elle bouclée ?
La programmation est généralement bouclée un an à l’avance, parfois deux ans avant pour les créations.
La rencontre autour des bagadoù, où l’on va croiser les cultures urbaines hip-hop et bagad. Ça va être détonnant, avec plus d’une centaine de musiciens sur scène ensemble à un moment, mais je ne peux pas tout dévoiler aujourd’hui.
La programmation se fait très à l’avance car je suis très sollicité.
Je me laisse toujours une part de découvertes, surtout sur le hall 5 qui est la scène dédiée aux jeunes nouvelles pousses et groupes émergents.
Quelles sont les qualités nécessaires pour être directeur artistique de ce festival ?
(Gêné) Je ne sais pas… C’est le genre de question particulièrement difficile… Il faut être curieux et avoir une sensibilité. Il y a une couleur du festival. Il y a des groupes que j’aime beaucoup mais qui ne passeront jamais à Yaouank parce que c’est pas le propos du festival. Il y a aussi une attitude dans le festival, très connotée musiques actuelles, rock’n’roll attitude. On peut faire avec des instruments très ‘’trad’’ sans avoir forcément une basse, une batterie ou des machines, mais j’accorde beaucoup d’importance à l’énergie, dans le rapport entre le public et les danseurs. Les groupes qui jouent tranquillement assis, même parfaitement, c’est beau, ils existent mais ça n’est pas le style de Yaouank.
En parlant d’énergie, le festival a même accueilli Les Ramoneurs de Menhirs… (NDLR : groupe breton de punk celtique formé en 2006, dont fait partie Loran, guitariste fondateur des Bérurier Noir, groupe phare de la scène punk et alternative française des années 80) ?
Oui, ils sont déjà venus trois fois sur la grande scène et ils veulent revenir. Il y a notamment eu ce grand moment avec le bagad de Saint-Malo et les danseurs du cercle de Saint-Malo (Quic en Groigne), lorsqu’ils étaient passés en 2009 en dernière minute avec le directeur artistique-chorégraphe de Quic en Groigne qui est un des meilleurs cercles celtiques. Les danseuses en costume traditionnel sont venues rejoindre la musique des Ramoneurs et on voyait ces belles femmes avec leur robe longue du pays de Saint-Malo en train de faire le salut punk. C’était énorme !!! (les yeux qui pétillent).
De quoi êtes-vous le plus fier ?
Il y a eu tellement de bons moments…
Les Ramoneurs de Menhirs et le cercle de Saint-Malo font partie d’un de ces grands moments.
L’édition 2016, où l’orchestre symphonique de Bretagne s’est produit pour la première fois en fest-noz, faisant danser les 8 000 personnes sur le répertoire du duo Hamon Martin.
2015 avec la création Alkeemia, rencontre du groupe de fest-noz Digresk et de la Philarmonie des Deux Mondes de Loire-Atlantique.
2014 avec la création Krismenn Alem Quartet, avec le kan ha diskan (chant traditionnel) de Krismenn mêlé au Human Beat Box (boucles rythmiques) d’Alem et au chant indien des frère et soeur Ilyas Khan et Parveen Khan.
En 2013, le retour d’Ar Re Yaouank, séparé depuis quinze ans, ça été un fantasme assouvi, sachant qu’ils ne sont revenus qu’à deux reprises depuis 1998, l’autre fois étant pour les Vieilles Charrues. J’en avais discuté dès l’année précédente avec les frères Guichen et avant Noël 2012, ils ont donné leur accord : j’ai eu mon cadeau de Noël avant l’heure !
Les créations féminines avec Les filles qu’avez des serviteurs en 2003. Egalement en 2013, avec Tan De’i ! qui a vu le jour à Rennes en novembre 2012. C’est une création en coproduction du festival Yaouank et du fest-noz de Cachan 2013. L’idée de départ était de constituer un groupe de musique à danser uniquement composé de musiciennes. Les femmes ont une place prépondérante dans la transmission en Bretagne.
Ecoutez-vous souvent de la musique ?
Oui car en plus d’être Directeur de Skeudenn Bro Roazhon, je suis depuis plus de vingt ans responsable de la musique bretonne et celtique sur Radio France Bleu Armorique. Donc de fait, j’en écoute beaucoup et en programme chaque jour. J’ai une chronique chaque jour, du lundi au vendredi, et deux émissions le week-end.
Envisagez-vous un jour d’exporter le festival dans un autre pays ? sur un autre continent ?
Ça été déjà envisagé, ne serait-ce que sur le territoire breton. Exporter Yaouank en Finistère et faire un Yaouank de printemps.
Skeudenn Bro Roazhon est une fédération d’associations culturelles bretonnes, nous ne sommes pas producteurs-diffuseurs. A l’origine, nous avons plein d’activités avec les écoles bilingues : des commandes pour des spectacles pour enfants (les créations de Morwenn Le Normand), organisation de forums, de spectacles sur Rennes.
L’organisation d’un festival est une charge de travail immense et nous ne sommes pas producteurs.
Ce qui est fort ici, c’est que l’on a 60 associations avec 300 bénévoles. Certains s’engagent toute l’année pour gérer les relations avec les partenaires, la communication, la régie bar, le catering ou encore la sécurité.
Si une structure souhaitait s’associer à nous et portait un événement, avec un cahier des charges partagé, à Paris, Brest, ou ailleurs dans le Monde, pourquoi pas. Nous sommes ouverts. Nous avons beaucoup de partenariats, nous travaillons avec les autres festivals qui ont la même couleur sur les réseaux sociaux. Nous sommes plus forts à plusieurs.
L’an prochain, le festival fêtera ses 20 ans. Avez-vous déjà des idées en tête pour fêter dignement cet anniversaire ? Vous le voyez ‘’rétrospectif’’ ou plutôt tourné vers l’avenir ?
Nous sommes résolument tournés vers l’avenir. Il y aura peut-être quelques clins d’œil avec la venue de groupes de référence. Comme nous avons pu le faire par le passé avec les Sonerien Du par exemple, qui sont un monument du fest-noz depuis près de quarante ans, avec un capital affectif énorme auprès du public.
Il y aura très certainement à nouveau une ou deux créations. Mais ce sera une 20ème édition, on va marquer le coup.
Quand j’ai lancé le festival en 1999, je me disais ‘’Il ne faut pas qu’un festival vieillisse donc il ne faudra pas aller au-delà de sept éditions !’’
Le but, c’est de faire plaisir. Je suis heureux quand je vois les danseurs qui prennent leur pied !
Alechinsky.