1 : « Et c’est où, Montelupo ?

  • C’est un sommet qui se trouve en face du village. Beau, bien qu’un peu sinistre à cause de certaines légendes. »

2 :  «Soneri accepta sans un mot et s’engagea dans le sentier, accompagné de Dolly, qui courait encore derrière lui. Elle était devenue son ombre et cela l’inquiétait. Il ne voulait pas que la chienne s’attache trop à lui. Elle avait déjà perdu son maître, et il n’avait pas l’intention de lui infliger un autre deuil. Ni de se faire du mal, vu que cet animal lui était sympathique. Avec les bêtes, il se comportait comme avec les personnes : il essayait depuis toujours de se protéger de la souffrance. Il ruminait ces pensées en dévalant le sentier sans prendre garde aux obstacles qui entravaient parfois le chemin. Dans une sapinière, dont les branches touffues retenaient la nuit, il faillit heurter une patrouille de carabiniers qui montaient à Pratopiano, chargés d’équipements et essoufflés. Il se rangea sur le côté pour les laisser passer et ressentit soudain comme un nœud à la gorge, une angoisse accablante et poisseuse. »

3 : « Bien avant que la nuit se retire, le ciel parut se dégager. Soneri quitta la rue bordée de maisons et se retrouva face à Montelupo, où s’amoncelait une masse de brouillard aussi épais que la mousse d’une lessive. Il passa entre les maisons fermées de la colline du Talus et tourna en direction du sentier qui montait à la Croix. De ce côté plus ombragé, où l’humidité de l’aube suintait des arbres dénudés, peut-être aurait-il la chance de tomber sur un bolet. »

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Ces passages figurent dans le roman « noir » de Valerio Varesi, Les Ombres de Montelupo, publié aux Agullo en 2018.

Dans ce  roman policier lent, mais fort comme un verre de grappa, l’auteur nous fait vivre un nouvelle enquête de son personnage fétiche : le commissaire Soneri. Il habite Parme, il est plein de sagesse et de cicatrices, d’expérience et de soucis. Fatigué d’un été étouffant et de tracasseries administratives, il part se reposer dans son village natal, situé dans ces montagnes brumeuses des régions qui entourent la vallée du Pô. Idéalement, il aimerait se promener, ramasser des champignons et faire quelques bonnes siestes consécutives à des repas copieux, mais le destin en décide autrement. Une affaire terrible et sans doute criminelle se révèle avec brutalité dès son arrivée… et c’est le passé douloureux de chacun, y compris le sien, qui va se trouver remué, jusqu’au sang.

La force du texte vient de la puissance descriptive que Varesi soigne et réussit particulièrement. Les personnages sont profonds et vrais, décrits avec une humanité sincère. L’enquête progresse doucement mais chaque mot compte, pour arriver à une issue logique. On n‘échappe jamais à son passé, dans cette Italie du Nord travailleuse et fière. Riches et pauvres, puissants et humbles, dans ce « pays » tous vont assister à un règlement de compte qui va faire un bruit d’enfer dans la vallée et les environs.

Mais c’est dans l’évocation par les cinq sens du décor, de l’atmosphère, du « terrain » que l’auteur nous attrape et ne nous lâche pas, page après page. Nous sommes avec Soneri dans la brume, nous humons l’air humide et nous ressentons le froid glacial. Les hommes et les bêtes halètent, on voit la fumée des cigarettes, on entend les coups de feu qui claquent et leur écho dans la vallée. Quand il parle de jambon et de parmesan, on a l’eau à la bouche…

Vous serez assurément touchés par cette écriture impressionniste, sensorielle et profondément humaine.

Valerio Varesi est né  à Turin en 1959, de parent parmesans, et diplômé en philosophie de l’Université de Bologne après une thèse sur Kierkegaard.

Il devient journaliste en 1985, collabore à plusieurs journaux et est actuellement rédacteur de Repubblica à Bologne.

Il est entre autres l’auteur de onze romans au héros récurrent, le Commissaire Soneri, dont Le fleuve des brumes, nominé au prestigieux prix littéraire italien Strega ainsi qu’au Gold Dagger Award en Grande Bretagne. La brume et le mystère y règnent aussi en maîtres…

Les enquêtes de Soneri, amateur de bonne chère et de bons vins parmesans, sont traduites en huit langues,et adaptées en séries télévisées (en Italie).

J’aime particulièrement ces romans puissants et touchants, dont trois sont traduits et publiés par les Editions Agullo, une jeune maison d’édition novatrice et passionnante, fondée en 2015.

Notez que chaque livre qu’ils publient est ornée d’une illustration de couverture soignée et d’un graphisme magnifique. On reconnaît aisèment cette « patte » unique (tout comme chez Zulma, par exemple). Offrir un livre de chez Agullo est une joie, tout comme l’assurance de faire plaisir, à tout coup !

Jérôme  » I love Italia » V.

ombres montelupo

 

 

 

 

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