the_church

This is one of those songs that you just can’t believe is possible to be made by humans, it’s not about the rhythm, not about melody or voice, it’s about like the whole freakin song is soundtrack of your waking and dream life. – Quna Maxamus, from a comment on YouTube

It’s a very spontaneous thing. It’s not as if someone has put us together to write a hit song. It’s more like sometimes when we write together, a song comes knocking on the door – Steve Kilbey

The_Church_Under_the_Milky_Way_single_cover

Elle date de 1988, mais elle est intemporelle.

C’est une de ces chansons qui est reconnaissable à la première mesure. On joue parfois avec un ami à ce jeu de savoir qui devinera le titre et l’artiste d’une chanson le plus vite possible, et là en général on met une seconde, voire moins. Il n’y en a pas beaucoup des comme ça, peut-être quelques titres des Beatles (le premier accord de A Hard Day’s Night), ou de AC/DC (Hells Bells, Highway To Hell), des Doobie Brothers, de Chic… Bien évidemment cette liste n’est pas exhaustive, vous avez tous sûrement des exemples en tête.

C’est une de ces chansons qui donne envie d’avoir une guitare 12-cordes, parce qu’il est juste impossible d’avoir ce son avec autre chose. Il y a une richesse de textures incroyable dans ces premières secondes, et qui ne fait qu’augmenter tout au long de la chanson à mesure que la voix et les autres instruments rentrent.

C’est une de ces chansons qui vous fait réaliser que la scène rock ne se limite pas aux USA et à la Grande Bretagne. Alors oui l’Australie nous a aussi donné AC/DC donc, INXS, presque les Crowded House, Kylie Minogue, Natalia Imbruglia, etc. Mais des groupes comme les Church sont rares.

Et comme le dit la citation tout là haut, c’est une de ces chansons qui vous fait vous demander d’où vient l’inspiration.  La première fois que je me suis posé cette question c’est en écoutant Dreamer de Supertramp (et je n’ai même pas honte en écrivant ça). J’ai essayé moi-même de créer, d’écrire des chansons, et j’ai toujours été fasciné par le mécanisme de la création. Pourquoi est-ce que les humains aiment créer, ont besoin de créer, trouvent du plaisir et de la consolation dans cet acte. C’est au moins une bonne raison d’avoir un aussi gros cerveau (par opposition à la capacité de faire des bombes, des armes à feu, de plus grosses bombes).

Et comment il a fait pour pondre une chanson pareille ?  « I smoked a joint and started playing the piano and she came in the room and we just made it up. » No comment.

Inspiration has to find you working (Pablo Picasso)

« It’s an accidental song I accidentally wrote and accidentally became a single and accidentally became a hit. It’s been a nice earner […] I’ve written 2000 songs. Thank God one of them came through! »

J’aime beaucoup cette citation, parce qu’elle montre que même Steve Kilbey sue sang et eau pour son art. 2000 chansons ? je me croyais fier de mes 250 chansons (dont 249,8 daubes) mais là, on est dans une autre dimension. Et le pire, c’est qu’avec cette masse de musique, la chanson qui a réussi est celle qu’il a écrit spontanément, en quelques minutes, après avoir fumé un joint. C’est peut être du karma, ou le hasard, en tout cas pour moi ça montre que la vraie créativité ne se contrôle pas, et peut être capricieuse. Mais attention les enfants, ceci n’est surtout pas une incitation à fumer des joints, hein.

Le hasard, vous dis-je.

La 7ième majeure a été inventée pour cette chanson

L’accord de Fa en 7ième majeur est un accord agréable, parce qu’on peut faire un Fa sans faire le barré avec l’index, or je déteste faire des barrés, et le Fa est le premier accord avec un barré que l’on apprend. Enfin, que j’ai appris. Donc il y a une sorte de plaisir coupable à faire un FMaj7. Et en plus, cela sonne fabuleusement joli. Ian Haug, le guitariste à la 12 cordes, fait aussi bien, parce qu’il a un capo à la 5ième fret et du coup la position de FMaj7 se transforme en CMaj7, qui est tout aussi agréable à jouer. Et la chanson est bâtie autour de 7ièmes, mineure d’abord, puis majeure. Des accords en déséquilibre mais pas trop, et qui font écho aux paroles vaguement mélancoliques mais résignées, presque sereines.

La progression d’accords est parfaitement classique, tournant autour d’un La mineur bien habituel, sans vraie surprise harmonique, à part une 6ième que fait la basse pendant le couplet, et l’agréable montée en do du solo de la fin. Mais sinon on est en terrain de connaissance, ce qui laisse l’esprit libre pour plutôt se concentrer sur les textures et les arrangements. Et là encore, ce n’est que du classique, basse batterie guitare électrique et guitare 12 cordes, et des jolies plages au clavier (avec aussi quelques petits motifs rhythmiques dans la version studio), mais chacun est à sa place, discrètement, et complémente les autres.

La dynamique est aussi bien classique, avec une intro juste avec guitare 12 cordes et voix, la basse et la batterie rentrent sur le premier couplet, le clavier s’immisce sur le premier refrain, et la deuxième guitare se contente de quelques arpèges très en retrait, jusqu’aux moments où elle brille, après les refrains. Un break reposant au milieu de la chason qui répète l’intro au niveau mélodie et arrangements, et on renfile ensuite couplet/refrain/solo, comme de vieilles pantoufles confortables, alors qu’on a juste 3 minutes au compteur. Ils sont très forts.

C’est une de ces chansons où le total est supérieur à la somme de chaque instrument. Oui les accords ne sont pas compliqués, non il n’y a pas cinquante mille pistes ou des mesures impaires, mais mettez la chanson, fermez les yeux…

Capo + eBow = Je suis (plus) vieux, mais j’ai toujours ces frissons

Je veux dire en fait, rouvrez les yeux, regardez cette video. Une fois n’est pas coutume, je ne vous mets pas le clip officiel. Non, voici une vidéo relativement récente, ça se voit à la moyenne d’âge du groupe. Je regarde, et je me demande combien de fois Steve Kilbey a chanté cette chanson dans sa vie. Est-ce qu’il l’aime encore ? Par exemple, Thom Yorke déteste Creep et refuse de jouer High and Dry. Mais là, Steve (je l’appelle Steve) a l’air d’un vieux sage blasé et malicieux, content d’être là, en paix avec sa chanson et son succès planétaire. Il est même possible qu’il ait fumé un petit pétard avant de monter sur scène.

Et le petit bidule que Peter Koppes, le guitariste électrique, tient dans sa main droite pour les solos (soli?), c’est un eBow. Un petit appareil qui fait tourner un petit aimant rapidement sur lui même, ce qui fait, grâce aux équations de Maxwell sur lesquelles je ne reviendrai pas, vibrer les cordes métalliques de la guitare sans avoir à les toucher. Ce qui donne ce sustain infini. Comme à la fin de Heroes de Bowie. Sauf que pour Heroes, Robert Fripp était tellement compétent, et connaissait tellement bien son matériel, qu’il a fait un sustain infini sans eBow. Mais je m’égare. Ca semble facile d’utiliser un eBow du coup, mais il semble que ce n’est pas vraiment évident à utiliser surtout quand on change de notes. Mais il s’en sort plutôt bien, non ? Je suis juste un chouia chiffoné par la désinvolture avec laquelle il le jette derrière là ensuite — c’est pas donné, ces trucs. Je sais, j’ai failli en acheter un une fois.

Une seule chose me dérange sur cette vidéo: on voit quelqu’un qui s’en va à 1:21.. wtf ?

On peut faire plein de blagues avec les vieux pots et les meilleures soupes. Moi je vois tous les chattertons sur la 12-cordes, et je me dis qu’elle a vécu, comme les musiciens de The Church, et qu’elle sonne… comme sous la voie lactée.

La conclusion un peu mi-figue mi-raisin de tout ça, c’est encore une citation de Steve Kilbey:

« It’s not really about anything at all. I just wanted to create an atmosphere and I didn’t even put a lot of thought into that. History has given it something that it never really had »

L’histoire a été particulièrement généreuse sur ce coup-là. Et les Church sacrément modestes.

-laurent

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