St. Vincent, c’est un nom de scène à l’origine poétique inspiré du nom de l’hôpital où mourut d’un coma éthylique le poète Dylan Thomas à New York en 1953. Nick Cave y fait référence dans son titre « There She Goes My Beautiful World » sur l’album Abattoir Blues, The Lyre of Orpheus.
Ce nom qu’Annie Clark utilise depuis 2006 aurait aussi des origines familiales…..mais là n’est pas le propos, puisque l’utilisation d’un alias établit bien une distinction entre le professionnel et le personnel.
Artiste indie (récompensée à maintes reprises en alternative indé), cette musicienne interprète et compositrice avant-gardiste nord-américaine est souvent identifiée comme poly-instrumentiste, elle qui commença très tôt par la guitare. St. Vincent s’est attiré l’attention commerciale en multipliant depuis quelques années apparitions TV, concerts, et albums aux influences rock et expérimental, électro-pop et jazz, qui ne sont pas son style attitré mais une agrégation de styles qu’elle explore à volonté.
Vendredi 13 octobre, sortie de son 5e opus MASSEDUCTION (6e en comptant son co-album Love This Giant (2012) avec David Byrne) sous le label Loma Vista (le même qu’Iggy Pop, Marilyn Manson ou anciennement de Soundgarden). Un vendredi 13, clin d’œil au bonheur pour l’attirer, le séduire peut-être.
La distinction de la masse étant déjà un de ses signes particuliers avec son originalité capillaire et vestimentaire sans cesse réinventée, St. Vincent est brillante. Ou est-ce le vinyle aguichant de membres sortis de murs en photos du lancement de l’album ? Ou bien en clips dans les couleurs flashy ‘’stabilotées’’ d’une plastique glamour et ultra-sexy en cuissardes de vinyle rose bonbon ? Ou le disque vinyle rose proposé à la vente de son nouvel album ?
Cet « exhibiting-out » semble en contraste avec la nature d’une Annie Clark se disant discrète qui passe de moins en moins inaperçue. Mystérieuse Annie Clark, sans être hors de vue à distance, elle préfère répondre aux questions professionnelles et musicales plutôt que personnelles et intimes.
Au sein des majuscules de MASSEDUCTION, St. Vincent apporte des éléments de preuve de son talent à la masse. Au voyeurisme, elle impose une visibilité musicale exceptionnelle qu’elle a présentée lors de son passage en France à sa performance au Trianon, le 24 octobre dernier, une heure et demie de gig présentant les treize morceaux électro-pop-rock de MASSEDUCTION en ordre de playlist.
St Vincent noua un lien très particulier et intimiste inédit avec son public parisien en prélude à sa tournée nord-américaine The Fear The Future US Tour commencée le 14 novembre 2017. Treize nouvelles chansons empreintes de piano, synthé, batteries, guitares et cordes dans lesquelles St. Vincent se livre à la première personne sur sa vie.
Elle se dévoile et dépeint une nouvelle palette pleine de sensibilité et d’intimité sauvegardée en bribes de sms, messages vocaux et autres extraits existentiels collés aux chansons, comme une subite envie d’en livrer plus avec parcimonie à l’oreille et aux regards, une subite irruption de sens et de sons à l’image de la vie où le silence ne serait que lorsque l’on dort de la mort.
Notons que si elle s’est ainsi découverte, St. Vincent l’a fait dans un but purement esthétique, opération séduction d’un opus, car elle peut très bien se (re)couvrir pour les prochains albums comme tantôt !
Cet été 2017, les réseaux sociaux ont dévoilé des vidéo-clips de promo des morceaux « Los Ageless » et « New York ». En filigrane frappant se décèle un art ‘’transmusical’’ fait de visuels et de rock glam, ambient, électro et psychédélique, une pincée de new-wave, une poussée d’électro-pop industriel et technologique (oui, oui du numérique !).
A première écoute l’album contient une vive parodie filée, avec évocation d’une représentation du pouvoir, oppression des peuples, drogue, sexe, relations en péril et la mort.
En couverture, un corps au body léopard cachant le minimum vital d’une intimité en projection s’offre à tous les points de vue et interprétations ! Un bras tenant le bord d’image pour rester aux abords et non être le centre d’attention ? On y voit que du feu, rouge, l’interdit, l’envers du décor, des corps il en est question en horizon musico-textuel polysémique, déroutant et attirant l’œil féru de voyeurisme démembré. Un tel habillage visuel est attractif ….ou répulsif……c’est selon !!
L’album débute sur un « Hang on me » (futur hit ?) qui annonce la couleur. La pilule passe bien, « Pills » tinte un groove d’annonce uniformisée au synthé et des riffs de guitare acérés se font entendre avant la mise en ordre de l’instrumentation plus jazzy finale. Puis le titre lancinant « Masseduction » envahit les oreilles de paroles au ton revendicatif, entrecoupé de samples qui restent à l’esprit avant de se dissoudre à mi-chemin entre lourdeur du thème et légèreté du sujet. Oui St. Vincent, Ste. Annie Clark par une ‘’massdeduction’’ l’on voudrait connaître quelle est l’arme de ‘’réduction massive’’ qui vous mettrait hors d’état de séduire. Quoiqu’on le découvre via cet opus.
Par la suite, on passe d’une pop aux résonnances rock à « Happy Birthday Johnny », une berceuse où la voix prend la place principale à l’instrumentation. C’est aussi à ce single que l’on mesure toute l’intimité qu’elle a disséminée dans cet album afin d’inscrire son personnel dans son professionnel. Là encore, restons professionnel en évitant toute allusion à une personne exe du personnel d’Annie Clark ayant participé aux chœurs du MASSEDUCTION de St. Vincent.
Non, non pas de schizophrénie textuelle mais une seule et même artiste déclinant tantôt la facette perso, tantôt la pro. Afin de mieux s’incarner en personne publique ? Là encore, ce titre doit provenir d’une bribe écrite ou entendue d’une personne le plus à même d’apprécier cette prise d’âge. A un âge où elle décrète Los Angeles ville des « sans âge » justement dans « Los Ageless ». Là on peut y voir une flagrante parodie audio-visuelle d’une partie de la population de cette mégalopole californienne, terrain de jeu de l’industrie cinématographique et terre de toutes les interventions visant à toucher à la rectitude de la réalité avec maquillage, vêtements, sous-vêtements, chaussures, corps dénudés et découpés ‘’sans âge’’ à identifier.
Le clip de « Los Ageless » a pour décor une salle d’opération, d’intervention sur peau en flétrissement dû au temps, une dénonciation du paraître sans âge qui sied particulièrement à un certain milieu du « Chaud biz » nord-américain, côté ouest là où l’image importe plus que l’être comme au cinéma…..tout un cinéma. On touche et retouche la nature, pour en faire une âme de reconstruction massive, séduction des masses, réduction de la masse graisseuse, pour n’en garder que l’essentiel, n’est charmant que ce qui est attrayant. Les couleurs flashy fluo issues des années 80 et pastels des années 70 s’exposent et imposent à la vue une réification de la femme en infâme objet de désir fardée et habillée en ‘’flamme’’ facile non gracile.
La partie ne faisant pas le tout, ces membres exhibés, coupés ou prédécoupés offrent des morceaux de choix comme dans le titre « New York ». « New York » est une ode à la ville où Annie Clark a séjourné le plus ces dernières années (bien qu’elle se serait récemment installée à Los Angeles mais ne nous fourvoyons pas dans sa sphère privée). Elle y loue au piano une ville de nouveautés « new love », mais aussi de perte humaine où les âmes s’y perdent faute de bien s’y trouver.
Le 9e single répond au nom de sa tournée nord-américaine « Fear the Future ». C’est un des plus électro, au son plus vif et incisif vibrant sur des percussions punchy et un bouquet final en feux d’artifices polyphoniques.
Artifice d’une apparence changeante en vitesse, « Young Lover » est un morceau qui ralenti ce rythme soudain en accélération de la fougueuse jeunesse d’un(e) amant(e).
Ralentir est la continuité naturelle mais la fluidité du son se poursuit sur « Slow Disco », autre titre valant un coup d’œil à l’oreille. On ne commentera pas plus, St. Vincent préfère que ses chansons restent à la libre interprétation. Ecoute et interprétation intuitive sont donc de mise.
Lors de la réception de MASSEDUCTION, certains critiques américains ont loué St. Vincent d’incarner un dérivatif alternatif aux pertes artistiques musicales massives que furent David Bowie ou Prince. Belle comparaison à ceci près que c’est une femme et c’est volontaire de le souligner ! Cela tombe plutôt bien, son panthéon inspirant musical compte Bowie, Kate Bush, Jimi Hendrix, Siouxsie and the Banshees, Patti Smith, Pink Floyd et Talking Heads.
Découvrir St. Vincent c’est tout cela, parcourir son œuvre une expérience à tenter selon une artiste protéiforme indie flirtant avec le ‘’mainstream’’ (courant dominant).
Vanessa MdbS