Avec son nouvel EP, « Modern Blues », la compositrice, interprète et productrice danoise revient avec une idée derrière la tête : nous faire (enfin) comprendre que le blues, on n’a toujours pas fini d’en faire le tour et qu’il peut encore nous surprendre…

Mais qu’a-t-il bien de « moderne », son blues à celle là ? Qu’est-ce que le blues aujourd’hui ? Une forme rythmique ? Des accords ? Une couleur de peau ?  Non pas seulement et surtout pas exclusivement. Le blues,  c’est simplement la vie qui donne des bleus à l’âme, c’est décrire l’écrasement du monde sur les sans-grades et les marginaux, la détresse, la solitude, la perte et les espoirs.

Allez lâchons le mot : ce petit bout de fille venu du froid vous jette à la figure une musique qui a ce tout petit supplément d’âme. Et ça c’est le blues.

Avec une voix qui apparaît d’abord comme un souffle fragile mais qui enfle comme le souffle de la révolte (‘Power of an army), elle sait osciller entre langueur lancinante et puissance Soul.

Peut être parce quelle vient d’un pays froid, la chanteuse n’a pas peur de se frotter sans complexe au genre avec une musique qui nous emporte dans l’atmosphère épaisse et étouffante d’un été sudiste.

Astrid Engberg

Un peu à la manière d’une Bjork ou d’une Beth Gibbons (NDR : de Portishead) qui aurait été élevée au poisson-chat grillé sauce cajun et au bourbon de contrebande, elle nous sert ainsi sans aucune forme de complexe « son » blues… un blues détricoté, tout retourné et passé à la moulinette, transformé par le son mécanique des machines… mais qui reste pourtant si organique, avec des racines profondément ancrées aux origines : On y retrouve l’hypnotisante pulsation des claquements de mains qui accompagnaient les chants de travail des esclaves (The road), la ferveur et la chaleur des chœurs qui respirent la mystique gospel…  Elle nous ressort même le bon vieux clavier Rhodes pour accompagner sa vaporeuse ballade Flower of the ringside, et au coin d’une intro le grain rauque et râpeux d’une guitare étouffée.

Loin de s’enfermer dans ce confort doucereux d’un spleen moderne atonique, ses arrangements ciselés recèlent une force, celle de l’être humain qui met les mots sur ses douleurs, les cris, les expulse…

De l’énergie vitale et des textes qui racontent des histoires d’humanité…Cet EP c’est vraiment une histoire de blues…

En fait non, c’est juste l’histoire du blues.

Sébastien Calegari

 

 

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