Féline les Stranglers
Cet article est le numéro 6 sur 9 du dossier Les Stranglers à la Clef

J’étais assis depuis longtemps quand il est arrivé. Je me balançais dans le rocking chair grinçant, sous le porche, contemplant les gouttes. Il pleuvait depuis une éternité, ou tout comme. Le temps n’a plus vraiment d’importance ici. J’aime me souvenir des premières gouttes qui se sont lourdement écrasées sur la terre battue. J’ai apprécié l’odeur de la pluie de cette nuit d’été. Maintenant elle devient étouffante.

J’ai d’abord vu une forme sombre se découper au loin. Il arrivait le pas traînant. Incertain. Un ombre derrière le rideau de pluie. Quand il s’est approché son visage m’a paru familier. J’essayais de me souvenir. Une lointaine connaissance que je n’avais plus vue depuis une éternité.

Il m’a regardé longuement, silencieux. Puis il s’est assis à côté de moi sous le porche. La pluie martelait les feuilles et le toit. Pendant un moment, ce seul son nous a tenu compagnie. Puis j’ai commencé à parler. J’avais eu le temps de réfléchir à ce que je pourrais lui dire. A un moment, je me suis penché pour lui servir un verre du vieux scotch qui traînait là.

Il a eu l’air soulagé d’entendre mon message. Peut-être attendait-il ce moment. Moi en tout cas je l’attendais. Le scotch a fini par faire effet. Au bout d’un temps qui m’a paru interminable, il s’est endormi, l’air apaisé. Quelqu’un prenait enfin ma place. J’ai déplié mes jambes avec précaution. J’étais assis là depuis combien de temps déjà ? J’ai fini par me lever, péniblement. Le corps rouillé par toute cette pluie.

Je suis parti sans me retourner. J’étais enfin libre. J’ai marché sous la pluie, droit devant, chaque goutte lavant un peu l’éternité passée à attendre. J’ai marché plusieurs heures, heureux de goûter la liberté dans mes vieux membres fatigués. M’éloignant le plus possible du vieux porche. J’ai fini par m’endormir contre un arbre, sous la pluie d’été. Le grincement du rocking chair m’a réveillé. J’étais seul sous le porche. Il était parti.

Je crois que ce n’était qu’un rêve.

Hédia

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