Dois-je vous l’avouer, je suis un fan éthéré de cold-wave mais pas invétéré de heavy-rock. Mais comme on l’aime (ce rock) sous toutes ses coutures, surtout si elles viennent à craquer, le coup de cœur survient parfois et s’insinue jusqu’au plus profond de vos entrailles.

Cette fois, il est porté par les vents d’ouest et s’appelle SHRILL, un combo musclé de cinq bretons originaires de Gwened (Vannes).

Vannes est décidément une cité magnifique : son ouverture sur le Golfe du Morbihan, sa presqu’île de Conleau, l’iode, les senteurs marines, les chantiers navals bordant la Rabine, le RCV au beau parcours en PRO D2…

Et maintenant, comme pour sublimer cette énumération enchanteresse, SHRILL débarque le 28 avril 2018 avec un premier album ‘’Private Custom’’, dont la majorité des onze titres composés il y a… 20 ans (!), auront failli ne jamais voir le jour sans une histoire d’amitié au long cours.

Nous sommes en 1998. Pendant que la France de Zidane danse la tête dans les nuages au son de ‘’I Will Survive’’ de Hermes House Band et que le rap celtique ‘’La Tribu de Dana’’ de Manau bombarde la vallée, cinq lycéens trublions de Lesage et Charles de Gaulle – Tristan CHAPALAIN (chant, guitare rythmique), Jean-Pierre TROUVÉ (guitare solo), Franck BOCENO (basse), Romain BLAZEIX (batterie) et Gweltaz LEVEQUE (chant) – ambiancent les soirées lycéennes en balançant des sons noisy pop-rock mâtinés de punk et de trash à des fans gorgés d’hydromel et des groupies sous le charme.

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Mais l’histoire est désormais connue et se répète souvent quand on a cet âge-là… celui où chacun prend son envol, esprit conquérant, l’appel du large, l’ouverture au champ des sirènes et des possibles de la vie. A force de distance, le groupe se délite harmonieusement au fil des jours pour se séparer définitivement en 2002.

Il aura fallu un événement exceptionnel réunissant famille et amis de Tristan CHAPALAIN pour que le quintet décide de sa reformation vingt ans après ; un titre rejoué au cours de la soirée et c’est le déclencheur. L’affaire est vite entendue : les compositions oubliées vingt ans plus tôt sortiront sur un album.

‘’J’avais comme un goût amer d’inachevé’’, nous confie Tristan, ‘’Je savais que j’irais au bout de ce projet un jour, quels que soient les moyens du bord’’.

Avec une flamme juvénile, le groupe réenregistre les parties chant et guitares avec un enthousiasme et une fougue intactes, remettant au jour des mélodies directes et énergiques, qui ne sont pas sans rappeler les premiers albums de Metallica, The Smashing Pumpkins et du trio californien Green Day.

A l’image du roman ‘’Vingt ans après’’ de Dumas (pas Mireille mais Alexandre), nos Mousquetaires ont conservé leur verve intacte et balancent des riffs aiguisés et accrocheurs qui font tanguer les esquifs, se dresser les espars et les vergues turgescentes.

Le navire admirable SHRILL, s’il navigue parfois sur des mers d’huile (comme sur les intimistes ‘’Broken Dreams’’ et ‘’Melancholy’’), sait aussi manœuvrer par gros temps ; les tempétueux ‘’No Way Out’’ et ‘’Interlude’’ s’engouffrent alors avec une intensité de force 10 sur les potards de volume dans la voile du sinagot ‘’strident’’ (traduction littérale de l’adjectif Shrill en anglais).

L’acmé juvénile de l’album est atteint sur ‘’Great Paradise’’, une merveille de ballade mélodique de 6’11’’ aux refrains solides et un final qui s’élève très haut dans la stratosphère. Grandiose et épique !

Faudra-t-il attendre vingt nouvelles années pour revoir le groupe jouer sur scène ? ‘’L’idée de départ était de terminer quelque chose plus que de recommencer quelque chose’’ avoue Tristan. ‘’Mais comme on a des choses dans les tiroirs et si l’envie nous en prend…’’.

Pour reprendre les mots enthousiastes d’un célèbre journaliste sportif survolté après la victoire des Français en finale de la Coupe du Monde de foot en 1998, je crois ‘’qu’après avoir entendu ‘’Private Custom’’, on peut mourir tranquille. Enfin le plus tard possible mais on peut ! Ah c’est super ! Quel pied ! Ah quel pied ! Ah putain !’’.

Vannes était déjà le plus bel endroit du monde. Elle l’est encore plus depuis le 28 avril 2018.

 

Alechinsky.

Pour écouter l’album  »Private Custom » de Shrill, groupe vintage mais résolument moderne, rendez-vous sur Soundcloud.com

 

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