Cet article est le numéro 1 sur 10 du dossier Denner, Cold Wave Bretonne

Début mai, nous rencontrons Gilles Le Guen, le chanteur du groupe breton DENNER, en fin de journée au bar L’Esquinade situé rue de Dinan à Rennes.

L’homme, cinquantenaire, est détendu, sympathique, affable et pas avare d’anecdotes, avec des avis souvent tranchés. L’interview qui devait durer une heure se prolongera jusque tard dans la soirée.

Où l’on évoque d’entrée la cold wave, ce style musical qui vit le jour en Europe à la fin des années 70, si cher à DENNER, puis le parcours de Gilles Le Guen et du groupe, entre New York, Trébeurden, Rennes, Minsk, Manchester, Liverpool et Bruxelles.

Nous vous invitons à partager ce long voyage à travers les chroniques de ce dossier.

La cold wave, aussi nommé ‘’post-punk’’ (au Royaume-Uni) ou ‘’gothique’’, est un style musical apparu dans les années 79-80, qui doit beaucoup à Siouxie and the Banshees, créé à Londres en 1976 et emmené par sa chanteuse Susan Ballion alias Siouxsie Sioux.

Musique ténébreuse et minimaliste jouée au dixième sous-sol d’un iceberg, voix lugubres, graves et inexpressives, statisme rythmique, sonorités froides et synthétiques, avec des thèmes tournés vers l’angoisse, le dégoût et le mal-être : le tout constitue les caractéristiques de cette ‘’vague froide’’.

C’est le magazine anglais Sounds qui pour la première fois, introduit le terme de ‘’vague froide’’ dans son numéro du 26 novembre 1977, dont la une s’intitule ‘’New Musick : The cold wave’’. L’hebdomadaire désigne Siouxsie, qui décrit sa musique comme ‘’froide comme une machine et passionnée en même temps’’ comme ‘’la représentante majeure de la cold wave’’. Le numéro comporte également une interview de Ralf Hütter et Florian Schneider de Kraftwerk.

Kraftwerk-Sounds-cover-26-11-77

On évoque aussi l’influence considérable de la chanteuse allemande glaciale et fantomatique Nico sur le monde du rock, en particulier sur le courant ‘’gothique’’. Il n’y a qu’à réécouter ‘’The End…’’ (1974) et ‘’The Frozen Borderline 1969-1970’’ (compil) (ICI) pour s’en convaincre…

‘’La cold wave n’a jamais véritablement été prise au sérieux avec ses effets flanger et delay’’ nous dit Gilles Le Guen. ‘’J’y trouve pour ma part un certain romantisme. Comme dans la musique classique. Un côté sensuel, en opposition au côté brutal et provoc du punk’’.

‘’Je n’ai jamais été concerné par le punk anglais que, vu de Guingamp en 1978-79, je voyais comme un esclandre, une arnaque. Je préfère de loin le garage rock US et des groupes comme les Stooges, MC5 et les Ramones qui ont fait revivre ce style musical dans les années 70’’.

‘’A partir du moment où le cri punk est devenu plus solide et construit, ça m’a intéressé. Donc la génération post-punk… Wire, Gang of Four, Joy Division. Avec des références plus arty. J’ai beaucoup de respect pour Malcolm McLaren, en tant que manager et muse de cette scène. Et la façon dont il s’est réinventé après le punk, avec Bow Wow Wow, Adam & The Ants, et même certains de ses albums solo’’.

Le minimalisme, les rythmes martiaux, le son glacial et la voix sépulcrale de son chanteur Ian Curtis font de Joy Division un des autres groupes emblématiques du ‘’son’’ cold. Sur le morceau ‘’Ice Age’’ (ICI), Ian Curtis évoque l’époque glaciale dans laquelle il vit, avec les paroles : ‘’I’m living in the ice age (…) Into the cold’’.

‘’Ian Curtis est un être fascinant’’ confesse Gilles Le Guen. ‘’Ils ont atteint une majestuosité terrible grâce à Martin Hannett qui les invente et les propulse’’. ‘’Je tiens de Stephan Barbery (NDLR : guitariste au sein de nombreuses formations comme Thrills, Digital Dance, Snowy Red, Marine, Kid Montana ou encore Ink, avec Drita Kotaji), qui joue en première partie de Joy Division le 17 janvier 1980 à la Raffinerie du Plan K à Bruxelles, cette anecdote. Il fait un froid glacial à Bruxelles ce jour-là, la température ressentie est de -6.5°C. Tout le monde se les gèle. Ils mettent un radiateur au milieu de la pièce. Ian Curtis rentre dans la pièce et, désignant le radiateur, dit ‘’Now, that is cold wave !’’.

Affiche concert Joy Division + Digital Dance @Plan K le 17.01.1980

Nous sommes au début des années 80. La France découvre la musique de Factory Records grâce à l’émission de musique rock Feedback sur France Inter, présentée par Bernard Lenoir (qui retransmettra le concert du 18 décembre 1979 de Joy Division aux Bains-Douches), mais bien plus encore grâce aux John Peel Sessions sur BBC Radio 1.

‘’J’ai véritablement trouvé mon identité à cette période’’ nous confie Gilles Le Guen.

Une période déterminante qui l’aura nourri, hanté et élevé depuis lors.

Alechinsky.

Dans le dossier :Années 80 : les années Factory Records >>
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