Miossec

Me souvenant avec chaleur avoir été Brestois dans une autre vie, j’ai écouté calmement l’album récent et apaisé d’un vieil ami : Miossec. Ici-bas, Ici Même. Intégralement, un soir de décembre, alors que dehors l’hiver râlait contre les vitres et la nuit avait mis un manteau noir de vent sifflant. Onze chansons belles et claires. Christophe, je te tire mon bonnet bas. Mélodies limpides, orchestrations cristallines et subtiles mélodies. Des paroles comme toujours qui touchent droit au cœur, des constats droits comme le roc et solides comme le granit. Un peu amer, un peu désabusé, lucide et drôle, c’est un bonhomme buriné et enthousiaste quand même qui se présente à nous cette année et on a envie de le serrer dans nos bras, comme toujours. Ainsi, j’adore cet extrait « Des Touristes »

Nous sommes des touristes / Nous ne faisons que passer
C’est pour ça qu’on a l’air triste / Quand il s’agit de payer
On est un peu comme les cyclistes / On a tous peur un jour de crever
De sortir de la piste / Ou de se mettre à dérailler.

Et vous savez, il faisait encore plus moche dehors, alors juste après celui-ci, j’ai réécouté son tout premier disque : « Boire »  (1995), que j’avais aimé avec passion. Quelle joie : tout y est resté puissant, fort, âcre et intègre. Coups de gueule, bitures, plaquages, mauvaise foi, football amateur, clopes et urgence de cracher des textes magnifiques… la malle contient tout encore et c’est intact. Un vrai disque fondateur peuplé de grands textes pour des adultes qui ont la tête dans les étoiles, les rêves à l’envers et déjà connu des chagrins d’amour. Miossec pour moi, est de ces vieux copains qu’on connaît depuis trente ans et plus et que la vie a éloignés. Pas besoin de se voir souvent et on reprend doucement la conversation là ou on l’avait laissée en plan il y a douze ou dix neuf mois, ce n’est pas grave. Notre lien est indélébile, on a vécu des trucs ensemble : nous regardons dans la même direction, c’est acquis.

Là, c’est bien plus loin que Recouvrance, sur un cap tordu et pelé face à l’Atlantique, un soir de grosse tempête, quand la mer est grise, les mouettes font des vols planés et les bateaux se dépêchent de rentrer au port. Ou dans ce rade mal éclairé, quand on a encore envie de dire très fort : « à boire ! », après la cinquième tournée. Les yeux brillent, les rires fusent, le présent est présent à mourir, on croit qu’on comprend tout à cette putain d’existence. Oui, ce n’est pas bien et on va le regretter, mais… merde !

Jérôme « Brest, même » V.

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