Les frères Millasseau, Mathias, à la basse, Robin au chant/guitare et Clet Beyer, à la batterie, ont joué au Hasard Ludique le 12 octobre. Ils forment « Cancre », et Cancre, c’est surtout de l’instinct. À Trois, ils transportent le public vers de nouvelles couleurs qui redonnent de la voix au rock français.

L’expérience Cancre elle démarre avec la découverte d’un recueil de poésie, retrouvé dans un grenier. Comment on tombe sur un trésor pareil ?

Robin : C’était une journée complètement normale. La maison de mon père est un bric-à-brac pas possible et je me suis dit qu’il fallait que je fouille dans un tas d’affaires au grenier. On tombe sur un carton que j’ouvre où il y a 30 bouquins, titré « le temps et l’ombre » de Marcel Millasseau. Je découvre des textes tout de suite hyper prenant. Je suis redescendu en bas en disant « Mais c’est qui ce gars ? D’où ça sort ? » C’était un truc complètement oublié de la famille. Mais ça a été vraiment évident de mettre ces textes en musique et ça a été le point de départ du virage vers les textes en français. 

Clet : C’est tombé pile-poil à une période où on se posait pleins de questions. C’était à un moment où on devait composer et la question de chanter en français s’était déjà posée. 

Avant vous étiez plutôt sur l’anglais, donc c’était une redécouverte de la langue française ?

R : C’était plutôt quand on chantait en anglais que c’était une découverte de la langue anglaise ! (rires) En français, cela me paraît plus naturel de chanter.

C : Il y a aussi une autre manière de composer la musique. En changeant de langue, on a appris à mettre le texte plus en avant. Donc ça pousse la musique à être conçue différemment. 

Le recueil parle surtout de la Grande Guerre, c’était quand même abordable ?

 M : Les textes parlent pas forcément de la guerre. À aucun moment il emploie les mots « canon », « charnière »… Je mets d’ailleurs au défi les auditeurs de savoir que les paroles ont été écrites pendant la guerre des tranchées.

C : C’est vrai que la famille savait que Marcel avait fait la guerre, mais il cite rien de concret. Plutôt de la mort, de Dieu, de l’espoir ou du sens de la vie. 

De gauche à droite : Mathias Millasseau, Robin Millasseau et Clet Beyer

Ce recueil est une de vos principales inspirations, mais avez-vous d’autres oeuvres ou artistes qui vont ont marqué dans ce que vous faites ?

R : Niveau musical en tout cas, il y a énormément l’esprit de Nick Cave, Bashung ou Thiéfaine. Niveau littéraire, il y a des références à Saint-Exupéry par exemple. Notre musique n’est pas si intellectualisée. C’est très instictif. 

C : En termes d’ambiance, ça me rappelle Bashung ou Thiéfaine mais on ne s’est pas dit qu’on allait faire comme eux. 

R : Oui c’est spontané. Quand j’écoute de la musique personnellement, ce sont des mots et des phrases qui vont me procurer des choses. C’est ce qu’on veut amener en composant en français. 

D’ailleurs, Thiéfaine, Bashung ou Cave étaient des cancres, le rock français est une musique rebelle et la poésie, un chant de révolte. En mélangeant tout ça, on dirait que vous ne voulez pas répondre aux codes actuels qu’on essaie de vous appliquer…

C : Je pense que c’est aussi indispensable de ne pas essayer de faire quelque chose à la mode. La mode passe et on finit toujours par faire quelque chose qui ne nous correspond pas tant que ça. Alors que faire les choses comme on en a envie, ça donne aussi un caractère authentique. 

Vous apportez aussi une touche musicale spécifique au rock français et c’est quelque chose de très nouveau. Mais qui vous a donné envie de jouer de vos instruments de cette façon ?

C : Personnellement, je suis complètement autodidacte, j’ai appris la batterie seul. Je n’ai jamais pris de cours. Sinon, j’ai commencé en écoutant du Slayer, Nirvana ou Dave Ghrol. 

M : Mon père écoutait beaucoup de rock seventies. Il en écoute toujours. C’est une période qui est passé pour moi mais ça m’a forgé musicalement et à la basse.

C : Je trouve que la musique de Cancre ressemble pas du tout à ces styles. Ou peut-être dans le jeu ! Moi, j’ai toujours été très curieux de style musical. Je trouve ça toujours assez incroyable de voir ce qu’un morceau de Slayer ou d’Aretha Franklin ça fait à quelqu’un. T’as des images qui te viennent en tête, des ambiances… Les morceaux comme « La tête au ciel » ou « Etrangler », c’est un peu ça je pense.

En parlant de « La tête au ciel », Robin tu chantes « au crépuscule qu’on pourra caresser demain », mais qu’est ce que Cancre deviendra demain ? Qu’attendez-vous ?

R : On attend les programmateurs ! (rires)

M : Depuis un an, on enregistre et on était qu’au studio. Mais la finalité c’est de jouer. On a fait des clips pour pallier un peu à la situation, mais on attend d’aller jouer en liberté et sans masques !

C : On peut pas faire autre chose à part mixer, composer et faire des clips. Après, on a aussi fait des captations live sans public pour plus de visibilité. Sauf que tout l’intérêt pour nous, c’est de jouer en public. 

 

Propos recueillis par Noé Davenas

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