Documentaire d’Ariane Doublet à voir jusqu’au 30 octobre sur arte.tv

D’un côté, il y a Saint-Jouin, gros village d’un peu moins de 2000 habitants sur la côte normande, ses petits commerces, son école, ses agriculteurs. De l’autre, la Syrie dont le documentaire ne nous montrera que quelques images d’archives. La Syrie avec son dictateur, ses illuminés, ses alliances douteuses avec l’Iran et la Russie, sa révolution laïque étouffée dans l’œuf et ses plus de 5 millions de réfugiés dont une partie a traversé la Méditerranée en espérant échapper au pire.

François Auber, maire de Saint-Jouin répond en 2015 à l’appel du ministre de l’Intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve, et se porte volontaire pour accueillir une famille de réfugiés syriens. Sa décision est loin d’être soutenue par toute la population : à Saint-Jouin on vote à 35% pour le Front National et Marine le Pen enregistrera même un score de 47% au deuxième tour des présidentielles de 2017.

Mais on trouve des bénévoles pour remettre en état un logement, le meubler et puis on attend. On attend que le ministère de l’Intérieur veuille bien envoyer une famille. La préfecture botte en touche pendant un an alors que les images de migrants s’entassant dans des camps sont diffusées aux actualités. De guerre lasse, le maire se tourne vers des associations d’aide aux réfugiés et la famille Hammoud arrive. Amro et Fateema sont un tout jeune couple, ils ont un petit garçon d’un an, prénommé Mouaz en hommage à l’un des frères aînés qui a été tué lors des manifestations en Syrie. Un autre de ses frères a été assassiné par l’état islamique, lui-même a été emprisonné et torturé pendant un an, il était le plus jeune des enfants Hammoud et n’avait pas 18 ans à sa sortie de prison, raconte-t-il. Amro a toujours connu la surveillance, les fouilles illégales de la maison familiale, le fichage : son père est depuis les années 70 un militant connu du régime pour ses idées socialistes et laïques. Ils étaient cinq enfants, ils ne sont plus que trois. Ils avaient une grande maison, une piscine, les moyens de faire des études. Ils n’ont plus rien. Lorsqu’Amro arrive avec sa jeune épouse, son fils et ses deux parents à Saint-Jouin, il revoit pour la première fois son frère et sa sœur qui sont déjà en France depuis trois ans. Le premier était journaliste et s’est enfui, la deuxième a perdu un bras dans les manifestations.

Le documentaire ne montre rien ou très peu des opposants à la venue de cette famille, il s’attache seulement à filmer des moments simples et très humains : des retrouvailles, des présentations, l’installation, l’apprentissage d’une nouvelle langue… On ne saura pas si ces cinq Syriens auront gonflé le vote nationaliste malgré leur volonté d’être acceptés. Après tout, quelle importance ? Il a une autre ambition : il nous emmène à la rencontre d’une famille meurtrie qui s’aime et qui tente d’échapper à la guerre et à la dictature. Avec l’espoir de revenir dans une Syrie libérée qu’exprime Moaoyaa, le dernier frère vivant d’Amro, dans un français encore trébuchant, lors d’une projection destinée à expliquer aux habitants de Saint-Jouin la crise syrienne : « je suis toujours fier de la révolution syrienne. Nous on a notre rêve, j’espère qu’un jour on va avoir la vie comme vous ».

Henriette de Saint-Fiel

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