Pedro Soler et Gaspar Claus

Pris dans le tumulte de la ville infernale, harcelé de 1 et de 0 en polyphonie incessante, il n’est pas évident de rédiger la chronique d’un disque instrumental où un père et un fils font duel de violoncelle vs. guitare flamenco en huit plages oniriques et belles, un peu arides et hautement inspirées par les terres désolées de l’Islande. Recul nécessaire pour Don Quichotte, en arrêtant de charger les moulins…

Mais, tout comme ces terres désolées de l’Islande, ou la pampa argentine, les sables d’un désert torride, comme une sierra pelada quelque part en Espagne, la beauté du geste, assortie à la simplicité des lignes musicales et à l’évidence de la grandeur feront leur travail patient sur le voyageur. L’austérité et l’apparente noirceur recèlent des trésors et comme toujours, celui qui aura fait l’effort de s’aventurer jusque dans des territoires peu fréquentés se verra comblé.

En allant loin, accompagné par les deux musiciens et dénué de tout préjugé, nu comme le roi Lear après sa déchéance, vous trouverez ici la lumière de l’aube, ou peut être celle du crépuscule, encore plus limpide. Après le vacarme de la cité insomniaque, vous arriverez à percevoir votre cœur qui bat, les yeux perdus dans l’horizon sans limite qu’ils vous peignent.

La beauté est là, tapie dans chaque accord, d’ailleurs elle se tord les mains et cache son visage sous un habit de deuil. Elle gardera un visage grave et réservé. Aucune larme ne sortira, seul un regard noir comme le corbeau vous sera accordé. Dehors, il fait si chaud, mais la pâleur des peaux en dira long sur l’atmosphère qui règne ici. Et parfois, même, le silence ondule, quand un peu d’électricité est instillée par un veuf muet de la confrérie Noir Désir, faible lumignon dans une pénombre mélancolique. Une ampoule dont le filament s’éteint, puis jette quelques feux rougeoyants. Puis il s’en va, fier et digne, blessé par son passé ?

Si vous écoutez bien Al Viento, le disque de Pedro Soler et Gaspar Claus, peut-être, oui, peut-être, ferez-vous enfin les premiers kilomètres de ce voyage intérieur que vous attendiez depuis longtemps.

Jérôme « corazon de plata » V.

 

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