Dans une pochette-écrin au visuel absolument sublime (artwork par Florie Adda), L’îlot, le premier album de Cyril Adda (toute son actu ici), est paru le 7 février. Cet opus est un combiné de 6 anciens titres déjà parus dans son EP intitulé Épreuves, avec 6 nouveaux, tous mixés par Laurent Jais pour leur donner cette belle homogénéité.
Cet album frappe par la maturité de ses textes. Le chanteur presque quarantenaire, qui sera notamment le 25 mars aux Trois Baudets, dépeint des portraits de témoins d’une réalité actuelle et durement sociale, dans une vision critique d’un monde qui ne tourne pas toujours rond. Pour ses textes très fournis et hyper travaillés (Cyril Adda est très bon en allitérations), pour ses instrus soignés et très fins – Cyril est à l’origine un technicien du son, et ça s’entend, c’est propre, le tout enrobé d’une folk aux accents très jazz, avec pointes de rock et d’électro pour rester dans l’air du temps, L’îlot est décidément un album à écouter et à réécouter pour en capter tous les intérêts.
L’album s’ouvre sur une injonction à s’évader, de la part d’un Taulard innocent. Le thème de l’injustice, on le retrouvera dans La chute, glaçant et tragique portrait de cette femme battue qui s’accroche pour « préserver les rêves des enfants », qui n’est pas sans évoquer l’horreur vécue par Jacqueline Sauvage ; dans Oreste, qui narre le calvaire de ce bon élève racketté qui « se sent différent », titre d’une justesse effarante sur le harcèlement scolaire :
L’injustice dans Le manque, tranche de vie d’une femme qui ne parvient pas à tomber enceinte et décide d’adopter un enfant africain.
L’injustice toujours, dans Les nuits blanches, qui racontent les vies de ces mecs – un bagagiste d’aéroport, un manutentionnaire au marché de Rungis – qui « ne comptent pas moisir ici », qui font des métiers que personne n’envie et gagnent « un salaire de misère », mais il n’y a pas de sot métier, toute profession trouve son utilité dans cette société. Une société en dérive, dépassée par la modernité qu’elle a elle-même créée : L’îlot voudrait nous offrir un petit coin de paradis pour oublier l’électricité et s’allonger dans l’herbe fraîche en écoutant chanter les oiseaux. Il faut « tout reprendre à zéro », oublier que la clope peut être une Thérapie, il faut arrêter de regarder Les actualités qui nous révoltent et nous débectent. Il faut nous donner les moyens de le protéger, L’Ours polaire qui apparaît sur la pochette.
Pour fuir ce monde, on dépose La dem (la démission), titre dansant et délicieusement positif, qui n’est pas sans évoquer la fraîcheur de Boulevard des Airs. Oui, avec Cyril Adda aussi, « on se lève et on se casse ». On choisit la vie vraie, on choisit L’insouciance, on « avance au gré du vent, [on s’] paie du bon temps ».
Violette Dubreuil, « que faire de cette vie en attendant la suivante ? »