Jules et le Vilain Orchestra, dont on vous a déjà parlé à l’issue de la sortie de l’EP « Nos Vedettes » (clique ici pour t’en rappeler!), vient de sortir l’album très attendu Nos vrais visages.

Bienvenue à la galerie Nos vrais visages. Au cours de votre visite, vous découvrirez une série de portraits en couleur ou en noir et blanc, pour lesquels l’artiste a eu le souci de figurer le moindre détail.

Dans ce musée animé, vous serez invités à un voyage en Italie (mais sans Lilicub) : l’essence même de l’inspiration de l’artiste est disséquée dans Friandises : pour puiser des portraits à dresser, il ne s’agit pas de s’appuyer sur sa propre vie, bien trop joyeuse et simple pour susciter de l’émotion. Non,  « Le bonheur, c’est pas vendeur ». Il vaut mieux poser son regard sur des personnes affectées par tout un tas de déboires.

Voilà pourquoi, dans ce musée, vous croiserez des portraits de personnages attachants et hauts en couleurs, comme Géraldine, que vous rencontrerez derrière la fenêtre ouverte de votre voiture, sur la route de vos vacances ; ou Johnny Canaille, qui n’est pas un déménageur, contrairement à ce que la musique évoque, avec son solo de guitare qui claque sa bille. Ce Johnny-là, vous l’apercevrez au détour d’un rayon de supermarché, affublé d’une veste à franges et de superbes santiags cloutés, à chanter « L’envie » de l’idole des jeunes, singeant ses mimiques. Vous découvrirez cet animateur radio qui ne pèse pas ses mots et promet une parole sans aucune démagogie (pour une fois…) (La libre antenne), non loin de celui qui, dès demain, a décidé d’ enlever Le filtre, en se dessinant tel qu’il est, en plus vrai et faisant fi de toute convention sociale, quitte à devenir un « connard solitaire » ; et encore ce jeune homme amoureux transi pas très gâté par la nature qui crie sa rage de ne pas avoir été remarqué par celle qu’il aime … et de se prendre un joli vent (Putain) ;

Voilà pourquoi vous y approcherez d’autres amoureux, comme dans le sincère Quand tu rougis, ou dans Nous nous attendions, dans lequel un amant, guitare à la main, observe sa belle endormie dans la lumière du matin en lui fredonnant des mots doux. D’autres amoureux encore, avec des personnes qui se sont aimées mais qui se quittent et cherchent Le Dernier Mot à se dire. Pourtant, faut-il vraiment que ce soit le dernier ?

Voilà pourquoi vous entrerez dans l’intimité d’un père regardant tendrement sa fille qu’il veut garder pour et auprès de lui le plus longtemps possible (Doucement), puis, juste à côté, sur le même mur, le même père et son fils adolescent, qui se hurlent des Tu m’agaces en guise de « Je t’aime ». L’amour parental est éternel et universel. Il est ici chanté de manière singulière, parce que dans le fond, chaque parent aime à sa manière.

A l’instar d’un peintre en action derrière lequel on resterait des heures pour avoir la chance de découvrir petit à petit un personnage ou un paysage sous les coups de pinceau, la force puissante de Jules est de ne pas tout livrer dès le premier couplet et nous tenir en haleine tout au long d’une chanson. Les personnages se précisent au fil des secondes d’écoute, et l’on voit apparaître un visage, une silhouette qui nous émeut, au milieu d’un paysage qui le définit. Si Jules était un peintre, il serait impressionniste, pour ses angles de vue inhabituels, ou bien naturaliste, pour ses prises de position sociales, qui dépeignent des gens simples, des gens dans la galère, de toutes origines (gros coup de cœur pour Issu à l’influence Goldmanienne certaine) qui perdront bientôt leur emploi au profit de machines fabriquées en Chine (Géraldine), ou comme Amar, qui n’a pas eu la chance de trouver le trèfle à 4 feuilles (Le trèfle à 3 feuilles), titre porté par un instrumental très puissant qui vous prend aux tripes tout autant que le texte :

Cette chanson, plus qu’une promesse, est une injonction : ne les larguez jamais, tous les Amar du monde. Jules a inventé un dieu universel dans lequel il puiserait toute la beauté du monde, pour les protéger (Mon ainsi soit-il), une religion utopiste qui éviterait bien des tourments…

En excluant le sublime piano-voix « Quand tu rougis », la musique de Jules et le Vilain Orchestra prend dans cet album une tournure résolument rock. Un peu moins de cuivres, mais l’heure est toujours à la fête, avec des guitares électriques plus présentes, Pascal Lajoye ayant été rejoint par Alexis Maréchal dans la bande des vilains. En ce qui concerne les voix, Vincent Thermidor, le fidèle acolyte ingé son de Jules, y a mis du chœur à l’ouvrage. Un vrai travail d’orfèvre, dans lequel on écoutera les voix des membres de la famille du chanteur, rejoints par Aurélie Blond.

Voilà. Nos vrais visages sous le sapin de Noël, c’est la garantie de passer les fêtes à plus de 6 personnes autour de la table, et en toute légalité… et en ce moment, on a tous besoin de cette vitale chaleur humaine.

Voilà pourquoi.

Violette Dubreuil

« Tu vois, petite, que les frontières c’est fait pour remplir les atlas, ceux qui tracent des lignes sur la terre ont toujours les doigts dégueulasses » (Issu)

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