La magie de notre homme-orchestre portugais s’élabore chez lui, dans son studio improvisé. « Imagine si je devais tout déplacer à chaque fois ou ne faire qu’une petite sélection à ramener, la galère », s’amuse David Santos alias Noiserv. En effet, notre artiste possède une multitude d’instruments allant du métallophone, mélodica, au mégaphone et aux jouets. « Si tu comptes les guitares, mes différents claviers, les percussions en passant par la batterie et les autres…J’en suis à peu près cent. Sachant que je joue seulement de quinze d’entre eux sur scène », calcule-t-il. Ce qui marque le plus dans sa façon de composer la musique est l’utilisation d’une multitude d’objets du quotidien. « Dès que tu commences à comprendre que tout ce qui t’entoure produit un son, alors tu n’en finis plus. Tu vas de découverte en découverte. » Il s’explique : « Si tu prends les jouets. Ils dépendent de la chanson que tu vas enregistrer. Cela peut varier du simple au compliqué, d’une petite voiture au train miniature électrique. » Dans Today is the same as yesterday, but yesterday is no today, l’oreille peut entendre une machine à écrire, “Ou cela peut venir d’autre part, il n’y pas que le clic d’une machine, mais plusieurs qui sont tous différents. Par exemple tu peux le trouver sur un appareil photo ou sur le clip d’un sac ». Ne sachant pas décrire le mot désigné, il montre une sacoche avec cette fameuse fermeture. « Tu mixes ce son sur ton ordinateur et tu te retrouves avec une machine à écrire… » Tous ces objets, notamment les jouets, il les trouve dans des brocantes, dans des magasins de seconde main ou directement de… son enfance. Il avoue avoir parfois un petit problème lors de ces enregistrements : « Parfois tu aimes un son produit par un objet le jour même. Tu réalise que le lendemain, ce n’est plus le même, au final tu es déçu du résultat ».
Sa musique est pleine de poésie, de rêverie. Songazine l’avait déjà chroniqué pour son album Almost Visible Orchestra (A.V.O.). David commente : « Je pense me situer entre Radiohead, Sigur Rós, Jeff Buckley ou Elliot Smith. Pour autant, je ne veux pas me calquer sur eux, ni m’en inspirer vraiment. C’est juste que mes chansons pourraient s’apparenter à ce style».
Autre singularité de son œuvre, ce sont les longs titres de ces chansons. Voici l’explication des origines : « Je pense que c’est à cause de mon premier album (One Hundred Miles From Thoughtlessness, 2008) où le nom était déjà étendu. J’ai voulu reprendre cette idée car je ne voulais pas être comme les autres. Généralement un groupe va prendre un mot dans les paroles pour donner un nom à leurs chansons. Moi ce sont des messages sur mes sentiments durant le morceau. Les personnes peuvent ainsi sentir, imaginer l’idée qui s’en dégage ».
Il sourit quand on lui explique que ces phrases se rapportent à celles d’un vieil ermite vivant reclus sur la plus haute montagne, ou tout simplement de Maître Yoda. « Il y a du vrai, ce sont des propos qui peuvent te permettre de te découvrir ».
Pour mieux expliquer le sens des citations, rien de mieux que d’en prendre trois. La première est Today is the same as yesterday but yesterday is not today : “ Cette chanson parle des petits détails qui font qu’un jour peut-être différent des autres. C’est sur que si tu ne prêtes pas attention à ces minuscules éléments, le jour que tu vis est le même que celui qu’il y a 24 heures ». Passons en revue Life is like fried egg, once perfect everyone wants to destroy it : « Tu veux être toujours le meilleur dans tout ce que tu réalises. Cependant il y a toujours des gens qui veulent détruire tout ce que tu fais ». La dernière Don’t say hi if you don’t have time for a nice goodbye, sa favorite, en duo avec Cascadeur : « C’est un message sur les réseaux sociaux. Parfois, tu peux avoir plein d’amis mais en réalité ils ne le sont pas vraiment. Les vrais te disent bonjour au début et au revoir à la fin. Ce titre est destiné aux vrais ».
Pour expliquer le contenu d’A.V.O., il utilise un code de couleurs. Celui-ci permet de donner l’atmosphère de chaque chanson. « J’aime cette idée pour les définir. Les morceaux tristes d’un album sont véritablement noirs, obscurs. Même si les miens peuvent l’être, ils ne sont jamais de cette nuance. Je dirais qu’ils sont marron, surtout pour I will try to stop thinking about a way to stop thinking et It’s useless to think about something bad without something good to compare », et il poursuit « ils sont de la sorte car ils sont mélancoliques voire nostalgiques. Pour les autres, ils sont teintés de couleurs chaudes, vives. Pour moi, il n’y a pas que du noir triste, il y a celui qui donne le sourire ».
Rui Valeso, Quartete 1111, The Gift, Best Youth, X-Wife, ces noms ne signifient pas grand-chose pour vous. Pourtant ce sont des artistes des groupes de la scène rock, blues, folk et indé portugaise. Pour David Santos, la scène portugaise devient de plus en plus importante : « Comparé à il y a dix ans, c’est carrément mieux. Avant si tu étais un groupe de rock local, tu n’étais pas reconnu à ta juste valeur. Maintenant tu vois de plus en plus dans les festivals d’été au Portugal des groupes venus de la scène indé portugaise ou autre. Les gens soutiennent de plus en plus la musique venue de chez eux, » conclut-il.
Pour mieux découvrir ce qui se trame du côté de Lisbonne, Noiserv nous laisse une playlist d’artistes. Enjoy !
Thomas Monot
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