Petit à petit, l’oiseau fait son nid…

Il n’est pas du genre oisif, à bayer aux corneilles, notre mignon petit ébouriffé (pseudo spécial Songazine) Nicolas Jules. On n’a même pas eu le temps de piaffer d’impatience : après le sublime album Les Falaises, sorti en 2019, notre poète à la fine plume a sorti cette semaine un nouvel album intitulé Douze oiseaux dans la forêt de pylônes électriques. Pour la réalisation de ce nouvel opus, l’artiste a volé de ses propres ailes, un peu forcé par le confinement covidesque : il a enregistré ces douze oiseaux seul, la guitare électrique en fil conducteur (le pylône ?), et il est même allé jusqu’à dessiner lui-même le visuel de la pochette (comptez les douze oiseaux!). Il pourrait être fier comme un paon, mais Nicolas Jules n’est pas un blanc-bec, il ne met pas de majuscule à son patronyme, il garde cette humilité qui le caractérise. Vraiment, vraiment chouette, cet oiseau rare.

Douze petits oiseaux

Douze petits oiseaux (les titres ont des formats assez courts) emplis d’attente, d’amour, et d’attente de l’amour (Ton retour, Superbe, Un couteau, Cas d’étude, Train couché), de timidité et de blocages (gros coup de cœur pour L’ascenseur : « On voit les mots hésiter, descendre et monter dans ton cou en hauteur ») de métaphores animalesques (Belote et rebelote, où un oiseau court après des lapins ; Les mouettes). Un album empli d’airs mystérieux (Ouai) et d’airs gais comme des pinsons comme dans Au bord de l’écluse, dans lequel on chevauche joyeusement, la tête couverte d’un chapeau de cow-boy, pour observer dans une mare d’eau la dure réalité, tout en gardant un « sourire de façade ». Le contraste musique et texte peut décontenancer, ou donner des ailes à la poésie. Les éclaboussures témoignent de ce temps confiné, au « soleil trop jaune » qui tâche les enfermés. Douze petits oiseaux pour un album en forme de collier de douze nouilles croustillantes (Les nouilles), dont on ne sera jamais rassasié, autant pour la beauté de l’objet que pour sa saveur. Nul doute que ce collier de nouilles-là ne finira pas planqué dans notre table de nuit.

On adore Nicolas Jules

Ce qu’on aime chez Nicolas Jules, c’est son côté foutraque, sa poésie ouverte à mille interprétations, comme une toile de Max Ernst. Chacun ira de sa propre vision, qui variera d’un jour à l’autre, et selon qu’on ait un coup dans l’aile ou non.

Ce qu’on aime chez Nicolas Jules, c’est sa voix qui passe du très grave à l’aigu, tout en douceur. Ce qu’on aime chez Nicolas Jules, c’est son habileté à sublimer sa prose par ses talents de compositeur et d’arrangeur, en explorant par exemple toutes les possibilités de sonorités d’un piano, sans aucun canard. Ce qu’on aime chez Nicolas Jules, c’est le son de sa guitare, divinement rétro.

Ce qui est certain, c’est qu’il faut avoir le bec fin pour apprécier cet art. Légères comme des plumes, les ailes de ces Douze oiseaux dans la forêt de pylônes électriques sont à caresser absolument.

Violette Dubreuil, grive musicienne et surtout mélomane

P.S. : « Moi je suis un inutile, comme tous ceux de ma race, rien à faire que de compter mille poissons qui passent ». En ces temps de disette pour la culture… 

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