Mario-Rigoni-Stern-couv

éditions Denoël pour la traduction française

Récit autobiographique, Le sergent dans la neige relate la désastreuse retraite des troupes italiennes postées en Russie, durant la deuxième guerre mondiale. Avec précision et froideur, le jeune sergent raconte sa guerre, où les nécessités vitales (manger, dormir et se réchauffer) ont depuis longtemps pris le pas sur la politique. Il n’en sera d’ailleurs pas fait mention une seule fois dans la relation de cette bérézina italienne où l’auteur voit tomber ses camarades qui sont aussi ses voisins, ses copains d’école, qui viennent comme lui de la montagne. Ceux qui survivront seront allés au bout de l’épuisement, là où l’on perd jusqu’à son humanité. Mario-Rigoni-SternMario Rigoni Stern, qui se rêvait guide de montagne et a adhéré aux jeunesses fascistes pour avoir des skis, aura passé sa longue existence (il est mort en 2008) hanté par la barbarie de la guerre. Le sergent dans la neige a été commencé en 1944, en Autriche, alors que son auteur n’avait pas encore réussi à regagner l’Italie. La distance prise avec les évènements, la narration très factuelle, la sobriété de l’écriture, sont d’autant plus étonnantes. Peut-être était-ce la seule manière de supporter ses souvenirs. Dans une interview donnée à Télérama, quatre ans avant sa mort, Mario Rigoni Stern répond qu’il n’a pas de remords : « Non, des regrets. Lors de la retraite de Russie, je n’ai pas sauvé un compagnon alors que j’aurais pu le faire. La guerre, c’est un jeune gars vivant à côté de vous, et l’instant d’après il a les yeux vides. Moi aussi j’ai tué. J’ai fait le calcul. Quand on m’a ordonné de tirer, j’ai parfois désobéi. Je crois que ceux que j’ai sauvés sont plus nombreux que ceux que j’ai tués. Je dis cela pour me donner du courage, faire face à ces morts. » La littérature fut son plus grand soutien pour les soixante années qu’il lui restait à vivre avec ses fantômes. Il a cru aussi, jusqu’au bout, qu’elle constituait « le meilleur rempart contre la bêtise ». Il semblerait que nous ayons plus que jamais besoin des livres de Mario Rigoni Stern.

 

Henriette de Saint-Fiel

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