Hadji MouratUltime roman de Léon Tolstoï, Hadji Mourat retrace les derniers jours d’un chef de clan tchétchène engagé dans la guerre contre les envahisseurs russes puis se ralliant à eux après avoir été trahi par son camp.

Tolstoï a utilisé ses souvenirs de jeunesse, alors qu’il faisait partie des forces russes durant la guerre de Crimée et dénonce sans complaisance une armée russe corrompue, incompétente, mal dirigée et surtout d’une impitoyable et stupide cruauté envers les civils. Le tsar est, quant à lui, ridiculisé sous la plume du romancier.

Cet ouvrage a été publié à titre posthume et largement expurgé dans ses premières éditions, en raison de son contenu particulièrement acerbe. Léon Tolstoï, dont le perfectionnisme confinait à la névrose, l’a réécrit plusieurs fois durant les dernières années de sa vie, sans jamais être satisfait du résultat. La version qu’il nous a laissée manque de spontanéité et les « ficelles » du métier sont apparentes tout au long de la lecture, témoins d’un trop long travail de réécriture. Il reste qu’Hadji Mourat est un brûlot pacifiste d’une rare efficacité qui démonte la mécanique de la guerre d’occupation avec une grande clairvoyance.

Le récit débute par un plaidoyer écologiste qui ne doit pas étonner chez celui qui a toujours été un visionnaire d’une inexorable lucidité dans son analyse de la société russe et de l’âme humaine.

En fermant le livre, on comprend que la guerre en Tchétchénie n’a pas changé de nature depuis le milieu de XIXe siècle, que ce qui alimente le conflit est toujours là, inaltérable. C’est d’ailleurs la conclusion de Tolstoï qui prophétise, dans les toutes premières années du XXe siècle, que cette guerre ne s’achèvera pas tant qu’il restera un enfant tchétchène pour venger les atrocités que son village a subies.

Et l’on pense au terrible adage arménien :

« le sang ne sèche jamais ».

Henriette de Saint-Fiel.

« le sang ne sèche jamais ».

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