Voici un livre peu ordinaire. Touchant et surprenant.

Dragan Velikić, écrivain serbe reconnu en son pays, engagé pour la paix et qui fut ambassadeur est traduit dans de nombreuses langues. Pour le français, au passage, bravo à Maria Béjanovska, traductrice littéraire : français/macédonien/serbe/croate.

Revenons au roman, à paraître le 25 février en librairie (Editions Agullo). Nous avons ici une évocation forte du passé, via le personnage la mère du narrateur qui est fortement dépaysante dans le temps et l’espace. L’auteur nous emmène dans une région multicolore et pleine de vie- que j’avoue ne pas connaître- l’Istrie. NB : C’est la partie nord-ouest de la Croatie, touchant la Slovénie et de facto aussi proche de l’Italie (Trieste).

Le procédé littéraire employé est le surgissement multiple et répété de souvenirs familiers et familiaux liés à cette mère à forte personnalité qui notait -justement- des faits précis et personnels sur un fameux cahier, qui fut volé, emportant plus que de simples indications d’hôtels et lieux visités par cette famille. Et il est beaucoup ici question d’hôtels, de voyages incessants, de maisons, de déménagements : quels lieux se sont imprimés dans les neurones et le cœur de cet homme ? C’est une confession sans artifice.

On lit ici un va-et-vient troublant entre la quête du narrateur, revenant sur les traces de son enfance, à travers une litanie de récits entrecroisés et un peu vertigineux et de moments intimes, nostalgiques, souvent très clairs. Ce récit fait défiler des images sépia en super 8, des photographies en noir et blanc ou des moments en couleurs plus vives, puisqu’il traverse l’histoire du XXème siècle. Une histoire où des vies -et des villes entières- ont été vécues avec passion et qui sont désormais totalement oubliées.

La question de notre mémoire affective affleure sans cesse : tics, trucs, manies, objets conservés, petites choses codées, allusions que seuls des membres d’une famille comprennent, mécanisme de perte de ces capacités (et la terrible maladie d’A.). Ce livre vous donne envie de regarder les photos que vous gardez dans une boîte en carton, à la cave, de regarder la vie qui s’est écoulée depuis quelques décennies, et de sentir le parfum fugace de temps révolus.

Et de voyager en Istrie, quand on le pourra à nouveau. Forts souvenirs à venir ?

Jérôme «remember, mais pas tout » V.

 

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