Après des années d’ignorance, j’ai voué une haine sans limite au rap français… pas aussi charismatique que son homologue américain, pas aussi travaillé que le modèle britannique… autant de préjugés que je vais tenter de contredire aujourd’hui. En effet cette petite chronique s’adresse à tous ceux qui, comme moi, n’avaient en tête que Maître Gims quand on leur parlait de rap français ou à ceux qui sont déjà convaincus , mais qui sont à la recherche de nouvelles pépites. Parce que oui, en France, nous avons de sacrées pépites…
FAUVE :
Remontons un peu le temps, en 2010 le groupe de Spoken Word (sorte d’hybride entre slam, chanson, rap et poésie) FAUVE débarque fraîchement sur la scène française, motivé par « un besoin commun et urgent de vider le trop-plein avec le moins de contraintes possibles ». Aussi musique rime avec exutoire, et sonne faux à coté de notoriété ou appât du gain. Au départ FAUVE ce sont des textes crus, dressant un tableau sévère et saisissant mais délivrant toujours un message d’espoir. En 2013 avec la sortie de Blizzard, c’est la fin du petit paradis discret et anonyme des petites scènes : FAUVE et son esprit authentique, étonnement familier et chaleureux séduit la France entière. Si bien que l’année suivante le chanteur quitte le groupe, ne se retrouvant plus dans ce nouveau statut de célébrité.
Pourquoi on aime FAUVE : pour ses instrus douces et cependant travaillées, pour ses textes pleins de vrai dans lesquels on se retrouve un peu tous, pour une voix qui sonne familière et rassurante, pour le petit message d’espoir derrière les sombres tableaux et pour l’identité même du groupe qui transmet un message d’humilité et de simplicité assez inédit.
Les titres qu’on vous conseille : TOUS
Bon plus sérieusement on vous conseille :
- Blizzard, Loterie et De ceux, si vous perdez votre fureur de vivre
- Rub a dub, si vous hésitez à déclarer votre flamme
- Infirmière, Juillet et Lettre à Zoé, si vous êtes un peu nostalgique et fleur bleue
- Haut les cœurs et Hautes lumières, parce qu’elles sont simplement géniales
Lomepal :
Proche de certains rappeurs francophones et de certains collectifs, Lomepal a su depuis 2010 se faire une place dans le milieu du rap français. Ses débuts se résument en 3 mots : Skate, frestyle et popculture. Cependant, cette année, après plusieurs essais comme Majesté, il s’est finalement senti prêt et suffisamment mature pour oser le format de l’album, j’ai nommé FLIP. Dans cet album fort en symboles et extrêmement travaillé tant au niveau du son, que du texte et de la représentation dans les clips, Lomepal aborde ses thèmes phares : consumérisme, perte de sens, doute, malheur et ce avec un sarcasme qui lui va particulièrement bien. Lomepal n’est pas un artiste qui prend la musique à la légère. En effet, il désire associer à ses racines l’ensemble des thèmes qui lui sont chers… des allusions à sa mère sont notables ainsi que de nombreuses références au skate (en raison de sa passion pour ce sport).
Pourquoi on aime Lomepal : pour son engagement, pour ses tentatives plutôt réussies dans le chant, pour son flow, pour ses clips très « pop art » et ses références au monde de l’art sous toute ses formes (cinéma, peinture, musique,…)
Les titres qu’on vous conseille :
- Palpal (surtout avec le clip)
- Sur le sol
Gaël Faye :
On passe ici dans un tout autre registre. « Gaël Faye » ce nom vous est certainement familier mais peut être pas dans le genre qui nous intéresse… Gaël Faye n’est autre que le talentueux auteur du roman « Petit Pays ». Roman primé par le prix Goncourt des Lycéens, le Goncourt Choix d’Orient, de Serbie et de Tunisie… cet éloge à son Burundi natal braque les projecteurs sur cet artiste déjà confirmé. En effet, depuis 2009 il s’essaie au rap, d’abord en duo puis en solo. Le fil rouge de Faye est son attachement pour sa terre natale lointaine et meurtrie ainsi que son amour et son admiration pour sa famille, sa culture. C’est pourquoi on retrouve dans ses vers des mots empruntés au dialecte rwandais, des sonorités africaines et un tableau des paysages et des visages de son enfance.
Pourquoi on aime Gaël Faye : à la croisée de tous les arts d’écriture, entre slam, rap, chant, poésie il est le petit fils de Senghor et reprend le flambeau du mouvement de la Négritude !
Les titres qu’on vous conseille :
- Petit Pays
- Irruption
- Métis
- A trop courir
Columbine :
J’ai gardé le meilleur pour la fin. Ce collectif de rappeurs est tout simplement addictif. Quand on à entendu l’intro follement rétro de Fireworks, la douce voix de Luji Pk ou le flow de Foda C… on est tout simplement envoûté par l’univers si inédit et intime de ce groupe rennais.
Tout d’abord, un petit laïus sur le collectif : Columbine. Un nom qui démontre la complexité et le niveau de refléxion du groupe : « Columb » fait référence au symbole universel de la paix, le INE évoque le numéro d’étudiant américain et « Columbine » fait référence à la tuerie du même nom. Tous ces symboles se retrouvent dans le logo « une colombe une kalash sur l’étendard ». Formé en 2014 les 8 « enfants terribles » d’un lycée de Rennes décident d’utiliser leur talent et leur passion pour la musique comme un exutoire.
Après plusieurs sons solitaires comme Fond de la Classe ou Vicomte, qui font écho de leur quotidien de lycéens errants et soucieux de leur (absence d’) avenir, ils sortent un premier album en 2016 : « Clubbing for Columbine » basé sur le film Bowling for Columbine de Michael Moore. S’y rencontrent des morceaux légers et crus ainsi que des sons moins insolents ou complètement psychédéliques. Un morceau en particulier est à retenir : « les prelis ». En plus d’être le plus connu, le premier vrai succès du groupe et le meilleur son de l’album…il annonce (comme son nom l’indique) un plaisir plus grand à venir…
Aussi en 2017 sort « Enfants Terribles », un nouvel album dans la parfaite lignée du morceau « les prélis ». Ici le groupe monte d’un cran à tout niveau : les instrus sont très soignées mais toujours à l’image du groupe (sans chichi et sans prétention), les textes sont plus enlevés, et les voix plus assurées. Il y cohabite des sons légers et entêtants, des morceaux très sombres et pessimistes, des confessions sur leur peur de la scène et de la notoriété, et des réflexions sur leur vie et leur avenir… c’est une porte ouverte sur le collectif, une parenthèse intime et brillante, « c’est dépressif et contemplatif, combatif et tordant. »
Le 4 août, un nouveau single est sorti : Pierre Feuille Papier Ciseaux. Là encore la Colombe a su se réinventer. Plus doux, très sincère, Luji et Chaps donnent à nouveau raison aux Inrocks quand ils écrivent « Si le rap français ne sait pas encore placer Rennes sur une carte, ça ne devrait pas tarder : il y a bien du rap complètement à l’ouest. »
Pourquoi on adore Columbine : pour leur simplicité, pour leur clip « homemade », pour le sourire de Luji Pk, pour le flow de Foda C, pour la douceur brute de la voix de Chaps, pour Chaman et Yro pleins de mystères, pour leur rap unique mélancolique et optimiste, poseur et naïf, indolent et énervé, où les états d’âmes et les relations contrariées remplacent les punchlines vantardes.
Les titres qu’on vous conseille :
- Polo
- Les prélis (avec le clip)
- Fleurs du mal
- Temps electrique
- 1000
- Mode Avion (une parenthèse inédite et réelle sur le quotidien du groupe…une sacrée surprise)
- Rémi
- Pierre Feuille Papier Ciseaux
Voilà les 4 pépites actuelles du rap français… du moins celles que l’on connaît ! Nous sommes ouvert à toute suggestion et suppléments !
PS : pour ceux qui auraient apprécié Vicomte ou Dom Pérignon de Columbine on vous conseille des rappeurs comme Lorenzo et Mister V … pleins de second dégré, crus et absolument hilarants : on apprécie aussi ces flows légers.
Adélaïde Pilloux
Amour et Fleurs du Mal