Je suis Clotilde, vendeuse aux Galeries Lafayette pour une marque de parfum. Ce que j’aime, ce sont les grands couturiers. Lorsque ma journée s’achève, le magasin fermé. Je me glisse dans la cabine d’essayage, celle du fond où personne ne va. J’essaie les plus belles robes. Puis je regagne la sortie, par le sous -sol. L’autre soir, j’essayais ma robe Cardin, le magasin a fermé ses portes, dans un bruit, plus fort que d’habitude. La porte du sous- sol était condamnée et toutes les autres portes étaient scellées par des barres d’acier. C’était un samedi soir, j’étais enfermée le temps d’un weekend. Cela était presque drôle et avait l’allure d’un Hôtel 5 étoiles,  la première heure. Mais l’angoisse a rapidement surgit. Je me suis précipitée dans les rayons, pour attraper les montres. Elles indiquaient, toute la même heure. Rassurant un instant. J’ai crié au secours, longtemps, épuisée je me suis couchée au rayon literie. Le dimanche matin, je pris un petit déjeuner au self du Lafayette  Gourmet. Lundi, 10h presque propre, habillée, maquillée, coiffée. Bientôt, l’ouverture. Mes yeux  fixés sur l’acier. 11H, le silence, l’heure d’été ? 12H, c’est le signal. Je suis enfermée, dans un  décor de la dreamWorks, c’est une réalité. Après un temps, non pas de famine ni de manque de rien. Je me suis soumise à la force du temps. Le dehors est imaginaire. Le jour, la nuit, dans les parties sombres des allées infinies. Je rêvais de moi, celle qui marchait dans les forêts de chênes. Je me laissais flotter sur les rizières pour tenir mon désespoir, à l’idée qu’un jour une fenêtre s’ouvre à nouveau, depuis l’abri antiatomique. A bout de force, abreuvée de champagne des Galeries Gourmet. L’issue se dessinait par la verrière et ses vitraux lumineux. Je vais briser le ciel de verre. J’escalade, je ne tiens pas sur la rambarde. Dans mes mains l’extincteur. Je me lance contre la vitre, elle se brise. Mes yeux s’ouvre, la nuit, la vraie. Je pleure, j’ai mal, je me suis coupée. Je regardais plus tard la profondeur de ma blessure. J’emprunte l’escalier de secours, je rentre chez moi, dans la stupeur, j’attends le déconfinement, rêvant du Mékong, j’écoute Start Me Up by the Rolling Stones.

Caroline Roucoules.

Texte protégé par la SACD : OOO 433946

 

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