La première fois que j’ai entendu parler des Smiths, c’était en 1983 ou 1984, un ami en était fou d’enthousiasme, il m’a dit « ce truc c’est grand et tu vas voir les paroles sont extraordinaires ». Il avait raison et on avait tous reçu une claque, on se passait les 33 tours et on faisait des K7 aux amis, fébriles et maladroits que nous étions.

Bien entendu, j’ai tout écouté des Smiths et j’ai lu les paroles, à l’arrière des pochettes -superbes toujours-, sur les sites spécialisés et j’ai appris l’anglais un peu grâce à eux. Ah, cette musique pleine de romantisme, d’amertume, d’amours perdues, de nuits blanches et d’yeux bordés de noir, de soirées hésitantes et de promesses non tenues s’est inscrite dans mon ADN. Je suis ému à chaque fois que j’entends « There is a light that never goes out » : le summum de la promesse ardente d’un amoureux qui débute dans la vie et qui y croit de façon inoxydable…

Et bien sûr la voix de Morrissey, monument historique, patrimoine mondial de l’humanité, joyau de la Couronne, qui résonne dans les cœurs et les âmes avec justesse et force… supernova de sentiments et trou noir des joies comme des peines des terribles jeux de l’Amour, où bien des vaisseaux se sont perdus.

Comme une comète en feu, les Smiths ont explosé dans le ciel de notre jeunesse éternelle mais les étincelles et la longue traînée de Morrissey en solo éclairent encore notre firmament. Les yeux remplis d’étoiles, nous décollons à chaque fois que le bouton play est remis sur la rampe de lancement. Personnage souvent étrange, à la santé fragile, il suffit en revanche qu’il se remette à faire ce en quoi il excelle : chanter et la nuit s’éclaire, le brouillard se dissipe, le doute sur l’existence de la grâce se fracasse en mille éclats cristallins et ironiques. Je ne sais pas si des divinités veillent sur nous, mais j’affirme au moins que certaines musiques dépassent notre condition terrestre.

Preuve ? Le dernier single extrait de son album à venir le 17 novembre (« Low in high school » tout un programme) et qui s’intitule « I spent the day in bed » ; chanson impeccable, parfaite, avec vidéo clip ambigu et sombre mais c’est si beau, ce qu’il dit est divinement simple : no bus, no fuss, no rain, no train et on a bien envie de rester chez soi, sous la couette à réécouter l’intégrale des Smiths, puis tous les disques de Morrissey, de relire chaque ligne écrite, penser au passé qui était brillant et au présent qui pourrait aussi l’être.

Au-dessus, bien au-dessus de la grisaille et du quotidien vole Morrissey, capable de déclencher en un seul refrain une émotion fine et tangible, une atmosphère pleine de doubles sens, d’ombres portées et de clairs obscurs où chacun se perdra ou se retrouvera sans doute.

Love you 4ever, Moz

Jérôme « hand on keyboard » V.

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