Fils d’une mère tutsi réfugiée d’un autre petit pays voisin, le Rwanda, et d’un père français, Gaby est à la fois d’ici et d’ailleurs. Du haut de ses dix ans, il file des saisons heureuses au creux d’une impasse bienveillante, habitée de familles comme la sienne… privilégiées. Ici il fait bon se laisser vivre sans se mêler vraiment de la vie des autochtones qui pourtant peuplent le quotidien : le boy-chauffeur, le boy-cuisinier, le boy-gratte-moi-les-pieds auxquels on attache peu d’identité mais qu’on aime bien quand même, tant qu’ils restent loyaux.

Avec les copains de l’impasse s’inventent des jeux de territoire à défendre, de vieille dame à escroquer, d’attaques de bande rivale fomentées dans un vieux combi, de chapardage de mangues dans un jardin voisin, en somme des jeux de petit garçon où la politique et les tensions ethniques n’ont pas cours. Du moins pas encore.

Seulement l’Histoire n’épargne pas les enfants et il ne sera pas oublié que Gabriel est, quoiqu’on en dise, rwandais et tutsi – critères déjà rédhibitoires – mais aussi de sang français. Ce qui multiplie les fusils pointés sur lui. Gaby se retrouve, malgré toute la résistance qu’il opposera jusqu’à la fin, sommé de prendre parti. Et les armes.

Quand la violence aveugle des adultes contamine l’univers de l’enfance, le pire est arrivé et le pas est franchi. Aucun retour ne sera possible. La guerre civile assassine l’innocence, hélas.

Ce Petit pays n’est pas seulement un pays de petite taille, le Burundi, il est aussi petit du fait de la tendresse de l’auteur envers la patrie qui a porté ses jeunes années, il est aussi petit par sa fragilité.

Conte du paradis perdu, on y entre comme dans un bon lit chaud, avec un petit goût de madeleine de Proust et on en sort la bouche pleine de sang et le cœur en cendre.

A la fois joli voyage au temps sucré de l’enfance et plongée dans l’horreur de la guerre et d’un monde qui bascule, définitivement.

Ce temps jadis n’a heureusement pas tout à fait disparu dans la mémoire d’un enfant devenu adulte, qui y retourne en poésie, la plume à la main, pour nous le faire partager.

MD, saudade

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