Lu en mode « page turner » l’autobiographie d’un grand parmi les rock critics de l’Hexagone : JD Beauvallet, intitulée sobrement et pertinemment Passeur.

Forcément, on est touché.

JD nous raconte joliment son épopée de vie, depuis l’enfance en Touraine jusqu’à nos jours, avec l’apparition de Parkinson of a bitch, saleté de maladie. Confessions, partage de moments touchants et intimes, nous émeut par une langue directe, franche, vraie. Depuis sa cavale fondatrice pour rejoindre Albion (Manchester la mal famée à l’époque mythique du label Factory, des groupes de légende et de l’Hacienda), ses débuts sans le journalisme musical, la saga des Inrockuptibles, nous le suivons pas à pas. Une intégrale avec toutes les Face B.

Avec humour, toujours une réelle humilité, des coups de latte sur les côtés, ce récit de vie nous montre encore une fois que « there is no business like show business » même dans la new wave, le punk, l’indie et le rock and roll de groupes cultes.

Interviewant ses idoles (Bowie 4ever, le très acide Lou Reed et tant de nos héros musicaux aux caractères bien trempés et aux narines poudrées), prenant l’avion pour aller au bout de l’Amérique, de l’Islande ou du Loir-Et-Cher, JD ne perd pas une miette de lucidité, d’humour et de son œil au laser sur les femmes et hommes créateurs des musiques que l’on adore en ces colonnes ! Oui nous sommes fans de Joy Division et de tous leurs descendants… (j’ai même baptisé ma société Joy Transmission SAS, avec copyright hé hé) et JD en a écrit des giga-octets que nous avons lus (et relus) mot à mot.

Quand j’ai lancé Songazine, mes modèles étaient bien évidemment les Inrockuptibles du début (« trop de couleurs distrait le spectateur » ai-je dit moi aussi au Web designer qui a construit notre site), dont les chroniques ou interviews me servaient de phare, tout comme l’émission de Bernard Lenoir * sur France Inter et la prose de Michka Assayas dans la presse Rock.

(* moi aussi, j’enregistrais sur K7 son émission pour l’écouter le lendemain !).

J’ai été longtemps abonné aux Inrocks, que j’ai lâchés bien avant JD, qui a l’élégance de ne pas fusiller le titre (en mode Thomas VDB dont j’ai aussi bien apprécié le très drôle et piquant Comedian Rhapsodie). J’avoue que je ne serais pas aussi magnanime avec ce que ce magazine me semble être devenu…

Mais pas de débat d’arrière-garde, c’est bien à l’avant-garde que JD aura toujours été, défricheur, aguicheur, bretteur, éclaireur et … passeur.

La presse rock est sur le flanc comme une baleine autrefois flamboyante et désormais en manque d’oxygène. Le papier ne se vend guère et même les sites et webzines ont du mal à capter les attentions « poisson rouge » d’une majorité du public.

Le show business repousse les résistants aux limites de la confidentialité et tabasse les ondes à coup d’autotune et de vulgarité, mais les Velvet Underground ou les Cabaret Voltaire de 2022 sont increvables. Mark E. Smith est au paradis mais ses héritiers boivent déjà des bières dans un pub quelque part au Nord de Londres.

Un petit village résiste encore et toujours : des fans, des sites atypiques (comme Gonzaï) des chroniqueurs, quelques magazines exemplaires (comme Tsugi). Chez Songazine, on continue à poster des messages avec nos deux index. Confiance dans les mauvaises herbes et les recoins de la Kultur !

Les passeurs ont en eux une flamme qui ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. Comme JD, nous sommes hantés, obsédés par la musique, matin, midi et soir.

JD : you’ll never walk alone.

Thanks for all, bro’

Jérôme « Tien-an-Mancunien » V.

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