(crédit photo : Olivier Gamas)

Le passé

Lyon 1981-1984.

En école de commerce, mais pas trop dans le mood pour devenir auditeur (s) chez Arthur A.

Avec mon ami Olivier M., nous avions formé un groupe vraiment new wave. Look and sound.

Bien avant d’autres, nous l’avions nommé Soviet Suprême ;

Lui jouait avec un certain talent et beaucoup de beaux accords des claviers et des jolies machines innovantes, pleines de diodes colorées et avec un sacré paquet de fils électriques branchés entre eux (TR808, TB303, Juno 106 et même un orgue Crumar du meilleur effet pour des nappes puissantes), je m’agitais sur le devant, en poussant des vocalises approximatives mais incarnées sur des paroles assez surréalistes. Quelques compositions pas trop mauvaises, nous aurions pu/ dû creuser le sillon !

Nous écoutions -quasi religieusement- vinyles et K7 de sons marquants, terrifiants, glacés, nouveaux, et chers à notre âme de nombreux artistes beaux et exaltés, made in England et USA. Des « imports » disait-on et nos économies se diluaient dans des magazines, galettes et tonnes de C-90 BASF.

Et pour la France ?

Je me souviens de quelques héros lumineux et crédibles, aimés, suivis tels nos amis International Sin et les grands : Marquis de Sade puis Marc Seberg, Tanit, Norma Loy, Kas Product, Complot Bronswick ou … Martin Dupont !

Martin Dupont (venant par ailleurs de Marseille, comme mon ami Olivier), bim : un son remarquable qui nous avait scotché en mode illico presto. Nous nous disions, que notre pays sauvait l’honneur avec ces quelques résistants à Johnny ou à ce que la marketing de la daube met en avant depuis que le commerce de la musique a démarré. On notera que la daube se vend toujours aussi bien…

Martin Dupont, c’était les mêmes instruments que nous ET surtout des chansons magnifiques, des mélodies puissantes, un nom aussi bien trouvé que The Smiths pour l’Angleterre, un look chouette, un garçon, des filles, du joli mystère dans des artworks de pochettes très étranges, décalés et forcément attachants (pas d’Internet, donc beaucoup de suppositions, finalement c’est la musique et ce qu’elle évoque qui compte).

Dans notre liste des meilleurs, 4ever.

NB : bravo encore à Yves Chenet l’artiste graphiste pour ces couvertures uniques.

Un morceau dans mon Panthéon-top 50 4ever : Just Because, que j’écoute au moins une fois par mois ou plus.

Le temps s’est écoulé, chacun a cotisé pour sa retraite, fait des enfants, gardé dans son cœur des souvenirs chauds.

Le présent

Et en 2023, une magnifique surprise : le retour !

Annoncé depuis quelques temps (les fans piaffent) : un disque intitulé Kintsugi sera édité début février avec la fabrication de vinyles en série limitée, en plus des CD et de K7 (bigre, mon dernier lecteur est à la cave et ma platine se couvre de poussière). Et… des concerts ! Dont le premier, of course, à Marseille le 21 janvier. D’autres à suivre.

A l’écoute (multiple, numérique et heureuse) des 9 morceaux en mode « blast from the past » de Kintsugi, on se rend compte que la force d’évocation des morceaux de Martin Dupont n’a pas pris le commencement d’une ride. Ils ont été reboostés et on les a repris dans la tête, aussi fort qu’avant.

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La réorchestration de Bent At The Windows ouvre le bal de façon majestueuse, ample et souveraine pour laisser place aux synthés reconnaissables. Ambiance « new wave » 300%. Bonheur.

No Hands s’agrippe à vous et ne lâche rien, la boîte à rythmes claque sans pitié dans cette ambiance oppressante. On aime.

He Saw The Light invoque un Suicide au parfum champagne ou le New Order des meilleures heures et les chœurs sont touchants, avec cette polyphonie parfaite.

Not Such a Joke nous projette 40 ans en arrière sur une piste de danse où les filles ont les yeux maquillés et noirs et les garçons des imperméables usés, le cœur battant et quelques pièces pour boire une autre bière ou téléphoner d’une cabine à un pote.

Top Of The Pyramids est toujours ample et ravageuse.

The Light Goes Through My Mouth recèle sa belle part de mystère et de déséquilibres, c’est si bon.

Nice Boy est toujours totalement, fortement, irrémédiablement romantique et magnifique. Replay, replay, replay.

Your Passion ? Hmmmm, hmmmm, la voie royale pour un moment de méditation évident et introspectif.

On termine en mode glorieux, en apesanteur et surfant sur les exaltations cuivrées de Love On My Side, en se demandant pourquoi Martin Dupont n’est pas invité à Glastonbury, Rock En Seine et ne pourrait pas décorer le hall de sa maison d’édition d’une collection de disques d’or ?

En attendant, on réparera un peu les erreurs, comme les fameux bols Kintsugi qu’un peu de métal précieux permet de recoller et de considérer à leur juste valeur.

Les cicatrices demeurent, mais le respect inoxydable est remis à neuf.

Merci, Martin Dupont.

Jérôme «blast from the past » V. 

 

 

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