Au loin, les sirènes hurlent. La foule anonyme alimente l’effervescence latente des rues de Pigalle, nébuleuse à l’intemporelle historicité. Les pas se succèdent, frénétiques. L’un des temples parisiens de la scène musicale se dévoile enfin, lové au creux de cette fourmilière urbaine… les Trois Baudets.

Véritable pépinière artistique, elle est l’instigatrice d’une programmation à la fois riche et diversifiée. De ce fait, chaque début de semaine et tout particulièrement, en ce lundi soir, les soirées Trois Baudets sont à l’honneur. Deux artistes anglophones se partagent l’affiche en cette nuit du 6 mars. La muse franco-britannique Paulette Wright entamera un prélude au lyrisme poétique folk et à la psyché électro pop. Le groupe Laish, nouvelle pépite du prestigieux label indépendant bordelais Talitres clôturera, quant à lui, une soirée de concerts à l’étendard so british.

Note aparté ! L’année 2008 voit la naissance d’un groupe, composite à la tempérance folk rock… Laish ! Les disques se succèdent… Un premier album éponyme en 2010 (Willkommen Records Label) suivi trois ans plus tard d’un second opus au folk baroque, Obituaries (Folkwit Records). L’immersion londonienne qui s’ensuit ravive l’inspiration de Daniel Green, originaire de Brighton. Résultante des méandres d’une créativité en perpétuelle ébullition… Pendulum Swing, paru à l’automne 2016 et salué par une critique unanime. Un recueil musical finement ciselé oscillant entre une folk à la douce mélancolie, un rock à l’incandescence électrique et une pop à la pétillante volupté. Une alchimie savamment dosée qui en fait un album d’exception ! Fin de l’aparté !

La scène s’impatiente. Hantée par l’esprit de miss Wright et sa délicatesse vocale, elle aspire cependant au renouveau. Les teintes lumineuses diffèrent. De nouveaux instruments trouvent leur place. Daniel Green (chant et guitare), Rob Pemberton (batterie) et Tom Chadd (claviers)… aussi !

Quelques murmures. Les premières notes s’élèvent… le silence. La magie de Sir Green opère.

Love on the Conditional. L’un des titres phares du somptueux Pendulum Swing impose une rythmique à l’entrelacement pop rock et solaire, symbolique d’une musicalité 60’s-70’s. Warm the Wind à la luminescence pop nous entraîne, quant à lui, dans un tourbillon à la légèreté acidulée accentuée par une mouvance batteristique. Petit bijou de l’album Obituaries, l’émergence de la british pop, dans ce set, se fait impérieuse et continue.

Tout à coup, l’atmosphère revêt une tonalité empreinte d’une fascination langoureuse… The Last Time… sublimé par le grain de voix suave de Daniel Green, songwriter à l’allure de dandy chic. Pendulum Swing reprend ses droits. Nul ne souffle mot, plongé dans une irréelle plénitude renforcée par la mélodie folk à l’envoûtante fragilité du titre Gambling. Vague, ode chimérique à la forte prégnance guitaristique et à la pop enchanteresse, subjugue ne laissant quiconque indifférent. Le chant du jeune artiste nous enivre, impulsion à l’émotionnelle transcendance. Une voix dont l’évanescence n’est pas sans nous rappeler celle de Matt Berninger, le leader de The National.

LAISH_2 @Trois Baudets 6.03.2017

L’intéraction avec le public est omniprésente. Le jeune britannique, membre du célèbre collectif folk Willkommen (The Leisure Society, The Miserable Rich, Sons of Noel and Adrian…) ne cesse de plaisanter tout en livrant de petites anecdotes liées à ses compositions musicales (la passion inavouable d’un collègue pour le jeu, l’incroyable aventure d’un cheval et d’un pingouin ou l’amour inconditionnel d’un chanteur pour son pays natal). S’ensuit bientôt Ratting Around dont les notes pianesques, aériennes et synthétiques accentuent la beauté cristalline et onirique puis Song for Everything, spleen au sombre magnétisme.

Lorsque Daniel Green a écrit Discipline, extrait de l’album Obituaries, seule la nature l’environnait. C’est pourquoi, tout naturellement, ce dernier demanda aux personnes présentes de siffler tels des oiseaux, histoire de recréer l’ambiance de départ. Ce qu’accepta le public… avec enthousiasme. Daniel Green, accompagné de sa seule guitare nous offre, alors, un titre à l’obédience folk. Les notes s’envolent, murmures d’une âme créatrice.

Et puis… sans crier gare, les musiciens quittent la scène laissant le jeune auteur-compositeur seul. Délaissant sa veste tout en troquant sa guitare électrique pour une acoustique, il s’avance nous invitant à un tête à tête musical. Dès les premiers accords, Wrote of Freedom, superbe et émouvante ballade à l’ascendance folk, ensorcelle les lieux. Daniel Green se met à nu, nous dévoilant la réalité d’une rare intimité artistique. L’assonance catchy du morceau Choice, issu du second album de Laish, met fin à ce court interlude.

LAISH_3 @Trois Baudets 6.03.2017

Le groupe est de nouveau au complet. Irradiant d’une rythmique électrique à l’affolante sonorité pop rock chatoyante, Learn to Love the Bomb embrase l’âme scénique des Trois Baudets, magnifiée par la synergie instrumentale du trio.

Mais il est temps. L’épilogue est imminent. Pourtant… un rappel vient bouleverser l’ordre des choses. L’artiste profite de l’instant pour présenter les membres de Laish, saluer Paulette Wright, remercier le public et ce, en mode bilingue. Guitare en bandoulière, accompagné d’un synthé et d’une batterie toujours en verve, le chanteur entonne le popesque et pétillant Carry Me de l’album Obituaries. Coup de théâtre, les musiciens échangent leurs places ! Le batteur Rob Pemberton se retrouve aux claviers, Tom Chadd, quant à lui, brandit une guitare. Et Danny Green, me direz-vous ? Et bien, multi-instrumentiste, il ne pouvait se défiler ! C’est donc d’une voix puissante, tout en jouant de la batterie, qu’il termine son envolée lyrique clôturant, ainsi un set d’exception.

La salle vibre sous les applaudissements. L’escapade anglo-saxonne s’achève. Une nostalgie indiscible demeure… impérieuse. Irréversible.

Chantal Goncalves

Crédit photos : LALYCAPS

 

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