Quatrième et dernier volet de l’interview de TRISOMIE 21… où il est essentiellement question du dernier album ‘’Elegance Never Dies’’.

  

Que s’est-il passé depuis la sortie de « Black Label » (2009) ?

Hervé : Je n’ai cessé de travailler au cours de ces sept dernières années après « Black Label ». « Where Men Shit » est le dernier morceau qu’on ait fait, assez rapidement. Par contre, j’ai mis énormément plus de temps sur d’autres morceaux. Je travaille quotidiennement. Philippe avait décidé qu’on ne ferait plus de concerts parce que ce n’est pas notre truc. Mais j’ai travaillé dessus, j’en ai parlé à Philippe, puis on est partis sur un projet comme on le fait depuis des années.

Philippe : Sur le coup, on met tout ce qu’on a, on n’a pas de déchets. On ne met pas 10 titres alors qu’on en a 15. On donne tout. A la fin de chaque album, on se dit que c’est le dernier.

Hervé : C’est étonnant mais de tout ce que j’ai fait, j’ai dû jeter un ou deux morceaux au maximum. Il y a toujours une idée qui me plaît. Si je ne parviens pas à terminer un morceau, j’enlève ce que je n’aime pas et je me dis « l’idée est quand même là, j’aime bien le premier jet, pourquoi je m’en séparerais ? donc je retravaille dessus.

Alechinsky : Vous n’êtes pas pollueurs.

Philippe : On ne sait pas jeter.

 

Pourquoi huit années entre « Black Label » et « Elegance Never Dies » ?

Hervé : Parce que je travaille beaucoup, je réenregistre, j’arrive parfois à des résultats où je me dis « c’est bien » mais j’ai déjà fait. Donc je vais changer. Et puis ensuite, je me dis « ça c’est bien, mais ce n’est pas dans l’optique que je veux avoir ». C’est du boulot.

Philippe : C’est le process, on est lents, c’est comme ça !

 

Y-a-t-il un thème récurrent, un fil conducteur sur « Elegance Never Dies » ?

Philippe : Il me semble que les titres sont assez évocateurs. « Where Men Sit » : il faut s’asseoir et parler avec les gens ; « Our Trip » : c’est un voyage, tout ce qu’on fait est un voyage, surtout dans nos têtes ; « No One Can Imagine » : il faut imaginer autre chose, un autre monde, on ne peut se contenter de ce que l’on a sinon on est passifs et ça ne va pas ; « Something else » : il faut faire autre chose… Maintenant, il y a quand même quelque chose de très original avec cet album : j’écris des textes, je les chante. Sauf qu’à un moment, on se dit qu’ils ne conviennent pas, que les terminaisons ne vont pas, donc je chante un autre texte puis un autre puis un autre encore. Hervé va piocher des bouts de phrases dans chaque texte…

Hervé : Philippe peut chanter sur un titre et je vais mettre sa voix sur un autre morceau.

Philippe : C’est un peu comme une écriture automatique, c’est intéressant à vivre.

Hervé : Philippe est le seul que je connaisse à fonctionner comme ça. Lorsque j’ai de nouveaux titres, la première chose qu’il me dit c’est « Je ne veux pas les écouter ! ». Je lui passe la musique et il chante sans l’avoir écoutée auparavant, c’est du premier jet. Philippe a plusieurs textes qui vont plus ou moins bien passer en fonction des harmonies. Bien souvent, on garde toujours quelque chose de bon dans les premiers essais, même dix secondes.

Philippe : C’est du montage, comme au cinéma, un peu comme si on tournait des scènes sur fond vert. Les acteurs ne savent pas à quelle époque ils jouent finalement. Ensuite, c’est Hervé qui vient faire un énorme boulot de post-synchro.

Hervé : Quand tout ça est terminé, on se dit « Il faut qu’on rejoue « Where Men Sit » en concert, comment on fait ? On reprend tout » (rires)

Philippe : Pour l’album « Works », Hervé m’avait demandé de chanter, ça va m’aider à me débloquer. Ce à quoi je lui rétorque : « Je n’ai pas de textes, j’ai des idées, juste des mots, des phrases, des sonorités ».

Hervé : En fait, la voix est un instrument supplémentaire que je n’aurais pas joué.

Philippe : Du coup, je chante en yaourt, des trucs qui n’ont pas de sens, en essayant d’y mettre de l’émotion. Et on s’aperçoit après coup que ça forme un texte qui a une certaine cohérence.

Hervé : Et la voix, on l’a gardée et on a sorti le morceau tel quel !

Philippe : Ce sont des expériences intéressantes à vivre dans un processus de création.

Hervé : C’est pour cette raison qu’on est plus un groupe de studio que de scène, parce que faire ça en live, c’est compliqué.

Philippe : On a l’impression que tout est premier jet mais ce n’est jamais le cas. C’est un énorme travail.

Hervé : C’est pour ça qu’on a mis sept ans !

Philippe : On a besoin d’avoir ces parti pris, parce que ça nous amuse, parce qu’on trouve ça plus intéressant pour nous, on a besoin de ça pour être créatifs.

 

Artwork

Hervé : C’est une des rares fois où on fait appel à une graphiste.

Philippe : Le visuel est tiré d’une vidéo. On trouvait que c’était parfait pour l’album. Dès qu’on l’a vue, on s’est dit « C’est ça ! ». Il suffisait d’avoir l’idée du cadre blanc et du disque blanc puisque c’est un picture qui va avec. On trouvait que l’ensemble avait une grande cohérence. On est attachés à ça, les choses doivent être cohérentes.

L’album lui-aussi est construit comme un film, il faut une cohérence entre les morceaux, à l’inverse d’un juke-box où tu passerais de l’un à l’autre…

Hervé : Et une cohérence entre les albums. Même si les sons et le style de musique changent.

Philippe : L’album est très homogène, c’est une veine, un livre. On est très contents du résultat.

t21_elegance never dies artwork

Alechinsky.

Concerts à venir : 2/02 Le Manège @Lorient (56). 2 & 3/03 Le Transbordeur @Villeurbanne (69) dans le cadre du festival Transfer. 25/05 L’Entrepôt @Arlon (Belgique). 26/05 Festival New Waves Day @Oberhausen (Allemagne). 9/06 La Maroquinerie – Gonzaï night @Paris. 17/08 Festival France TBA. 19/08 W festival (Belgique).

 

Dans le dossier :Interview de TRISOMIE 21 (Part 3) >>
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