Vendredi 9 mars 2018 : 11919ème jour sans écoute de Cock Robin – soit 32 ans, 7 mois et 9 jours -, cette purge pop-rock qui n’a que trop duré et dont on attend l’infarctus musical depuis qu’ils nous l’annoncent avec ‘’When your heart is weak’’.
Heureusement qu’il y a des artistes, groupes et albums avec des noms de gallinacées et de volatiles autrement plus séduisants, dont on n’a pas envie de voler dans les plumes !
Et cocorico ! Ils sont tous de chez nous : Chicken Diamond de Thionville, qui caquète son hill country blues mâtiné de proto-punk à la Stooges, et dont on vous recommande vivement ici le dernier opus ‘’Skeleton Coast’’, sorti sur Beast Records le 26 février.
Citons ‘’L’oiseleur’’ de Feu ! Chatterton, sorti le 9 mars, et Dominique A qui, depuis ‘’Le Courage des Oiseaux’’ (1992) jusqu’à ‘’La mort d’un oiseau’’ sur son excellent dernier LP ‘’Toute Latitude’’, aussi sorti le 9 mars, nous convainc qu’il est à n’en point douter le plus ornithologue de tous.
Je n’omettrai pas de citer Fred Poulet, vu en première partie du duo garage/psyché de The Limiñanas ce vendredi au Centre Culturel Paul B. de Massy (91). Ce nom ne vous dit peut-être rien. Alors, que dit le programme ? : ‘’Fred Poulet présentera les titres de son nouvel album ‘’The Soleil’’, réalisé avec le guitariste Maxime Delpierre. Brouilleur de pistes par excellence, si on a parfois l’impression que Fred Poulet assène les mots plus qu’il ne les chante, c’est bien sûr fait exprès. Il aime s’installer dans un entre-deux déroutant, entre la nonchalance distanciée et la provocation urgente’’.
Auteur-compositeur-interprète, réalisateur et passionné de cyclisme et de foot, Fred Poulet naît à Dijon le 30/12/1961. Une enfance passée dans un village vosgien dont il dira ‘’(qu’elle) m’a donné un goût immodéré des espaces urbains et une expérience définitive avec l’ennui’’.
C’est donc tout naturellement qu’il ‘’monte’’ à Paris à l’orée de la trentaine et débute une carrière de compositeur et de peintre patineur, travaillant sur les décors de nombreux films. Prémonitoire.
Pierre Barouh, fondateur en 1965 du label de chanson française/jazz/rock/musique expérimentale Saravah, découvreur de Brigitte Fontaine et Jacques Higelin entre autres, le repère en 1992. Trois albums, 1995 : ‘’Mes plus grands succès (1995)’’, ‘’Encore cédé (1996)’’ et ‘’Dix ans de peinture (1998)’’ s’en suivront.
Le morceau vélocipédique ‘’Walking Indurain’’, un clin d’œil à la chanson de Grace Jones intitulée ‘’Walking in the Rain’’ (1981), le sort de l’anonymat. ‘’Une chansonnette juste digne de figurer sur la bande-son de la vie’’, dont on imagine qu’elle était enfouie dans un coin de sa tête depuis ce jour de juillet 1970 où son oncle l’emmena voir une étape du Tour de France au Ballon d’Alsace. ‘’Un hymne à la souffrance du gregario’’. Un bon résumé de ce qu’est Fred Poulet qui, comme jadis Jean Carmet au cinéma, n’est jamais dans la lumière mais si essentiel.
Est-ce encore un souvenir d’enfance – son passé d’arrière droit au FC Brunstatt, club du district d’Alsace (n° d’affiliation FFF 504116), le but du brésilien Jaïrzinho à la 71e minute de la finale de la Coupe du monde de foot 1970 au stade Azteca de Mexico (victoire 4-1 du Brésil sur l’Italie), l’épopée des Verts en Coupe des Champions en 1976 ou plus récemment, le match PSG-Real de Madrid du 18 mars 1993 au Parc des Princes en ¼ de finale de la C1 et l’avènement ce soir-là d’El Magnifico David Ginola (une remontada 4-1 après une défaite 3-1 à l’aller), un match qu’il passe debout à acclamer l’équipe – qui l’amène à réaliser en 2006 le documentaire ‘’Substitute’’ avec l’international de football Vikash Dhorasoo (18 sélections), que l’on suit avant et pendant la Coupe du monde de football 2006, où il n’est sélectionné qu’en tant que remplaçant.
Comme au foot, Fred Poulet, accompagné du guitariste et peu disert Maxime Delpierre (Viva and The Diva, WAT, Limousine, VKNG et réalisateur/arrangeur pour Jeanne Added, Mick Jones, Rodolphe Burger ou encore Damon Albarn) se démarque avec des mélodies pop-rock légères et des chansons décalées.
Il détourne les mots, multiplie les doubles sens et les jeux de mots, le premier et le second degré : ‘’Viens on se resuce/On se recasse la pipe’’ sur l’entraînant ‘’Remède (Cheval)’’ ou encore ‘’Je t’ai tressé/Une couronne de l’oreiller’’ sur ‘’Tout scintille’’.
Fred Poulet, pince-sans-rire et nonchalant, égrène sa poésie minimaliste avec un phrasé à la Gainsbourg, parfois plus parlé que chanté.
Après une dizaine de titres, il se volatilise dans les loges tel Garrincha aux dribbles chaloupés. Insaisissable.
Comme disait ma grand-mère bretonne, avec lui, on se demande ‘’si c’est du lard ou du cochon’’. Bah non, ce soir, c’était du Poulet.
Alechinsky.
Set list : Remède (Cheval) – Fumer – Je découvre – Parade – Partout – Disque D’or – Prince Marchant – Pornoricain – Tout scintille
Discographie : 1995 : Mes plus grands succès (Saravah) – 1996 : Encore cédé (Saravah) – 1998 : Dix ans de peinture (Saravah) – 2003 : Hollywood baby (Wagram) – 2005 : Milan Athletic Club (Bleu Electric/Label bleu) – 2005 : Golden Retrieval, avec Gilles Coronado (Signature France Musique) – 2017 : The Soleil
Bonus : Composition de l’équipe du Paris Saint-Germain le 18 mars 1993 face aux Merengues : Lama, Sassus, Ricardo, Kombouaré, Colleter, Le Guen, Guérin, Valdo, Ginola, Simba, Weah.