La vieillesse est un naufrage, disait Chateaubriand ? S’il est vrai qu’il est bien triste de voir certains grands artistes sucrer les fraises (Metallica et son infâmant Lulu, Bloc Party qui fût la première grosse déception de l’année), il y en a certains autres à qui les années ont profité et qui restent superbement à flot. Mesdames et Messieurs, après douze ans de maturation et d’attente, voici le cru 2016 des Descendents, lointains ancêtres du pop-punk californien (un nom de groupe assez prophétique, en somme). Et il est exceptionnel.
De naufrage, point ! La bande à Milo Aukerman (le chanteur du groupe, et accessoirement le rigolo petit bonhomme que l’on retrouve sur la plupart de leur pochettes) mène son navire avec dextérité et superbe. En seize abordages et trente et une petite minutes, les quatre compères prouvent qu’ils savent souquer ferme. Nul besoin de vingt-quatre écoutes pour accrocher. Hypercaffium Spazzinate est sauvage, puissant, varié, émouvant.
Comme je le disais, le temps qui passe a profité aux Descendents. Je ne pensais pas écrire cette phrase un jour, mais Hypercaffium Spazzinate est un album de pop-punk d’une grande maturité. Les Descendents, malgré ce qu’ils chantaient en 1985, ont grandi, vieilli, appris. Ces garnements qui, dans les années 80, voulaient que leurs parents « ferment leur gueule » sont maintenant tout simplement heureux d’être encore là pour jouer (« Beyond the Music »). La plupart des morceaux de ce nouvel album font montre de cette sagesse accumulée au fil des années sur la route, des tragédies du groupes (la mort de Frank Navetta, guitariste original du groupe, en 2008) ou personnelles (cf. « Fighting Myself »).
Musicalement en revanche, rien n’a changé ou presque. Oh, Milo n’a bien évidemment plus sa voix stridente et vindicatrice des débuts, mais il a gagné en variété et en coffre. Écoutez les excellentes « Without Love » et « Smile » au divin arrière-goût de rock alternatif et vous vous rendrez compte des progrès du bonhomme. À part ça, c’est un plaisir de retrouver la fougue bouillonnante du groupe, surtout quand ses membres ont tous plus de 50 ans.
Hypercaffium Spazzinate se paie aussi le luxe d’être le plus varié des albums des Descendents : ouverture hardcore radicale avec « Feel This », quelques interludes supersoniques et farfelus histoire de montrer qu’on a encore parfois 16 ans dans la tête (« No Fat Burger », « Human Being »), quelques morceaux mid-tempos qui jouent la carte de l’émotion rassembleuse (les deux perles citées plus haut), morceaux plus violents (« We Got Defeat ») et surtout… « Spineless and Scarlet Red ». Guitares de feu en palm mute ou en mur de son, couplets sombres et rampants, refrain aux petits oignons, et bordel de chiasse, ce PUTAIN de refrain où Milo s’arrache comme un jeunot qui donnerait son premier concert devant sa blonde.
Milo dans un erlenmeyer ? Et comment que ça se le fait ! À moins d’un concurrent sérieux (désolé Blink-182, votre « California » n’est pas mal, mais faut vous incliner devant les patrons), Hypercaffium Spazzinate est sans conteste l’album de l’année.
Les papys rule, qu’on se le dise !
Matthieu Vaillant