Chez Songazine, on n’a pas spécialement pour habitude de descendre en flammes. On préfère l’éloge, la valorisation de ce qui nous fait battre le cœur. Il y a toujours ce risque de passer pour l’imbécile heureux, le ravi de la crèche, le niais toujours satisfait. Et pourtant non, c’est une vraie démarche, volontaire et consciente : mieux vaut l’enthousiasme la passion plutôt que le dédain, le mépris. Et puis, a-t-on vraiment besoin de faire un enième article sur Maître Gims pour que vous sachiez que c’est de la merde coulante ? Réponse : non, une telle vérité est normalement dans le décalogue mental de tout mélomane à l’ADN à peu près bien constituée.
Donc de vindicte musicale, point. De fatwa en si bémol, pas question. Mais là, il faut que ça sorte. Pourquoi ? Parce que Bloc Party, qu’on le veuille ou non, Bloc Party est un incontournable de la scène indie. Parce que j’évoquais plus haut la musique qui fait battre le cœur, et que le groupe de Kele s’y entend en matière de tachycardie. Et tout simplement parce que sans liberté de blâmer…
Rapide rappel de la discographie de nos anglais. Tout commence en 2005 avec Silent Alarm, un premier album d’indie rock / post-punk revival saturé d’urgence et de mélancolie. Vient ensuite un second opus plus calme et urbain, le bien nommé A Weekend in the City. Moins impressionnant, mais tout aussi chargé en spleen. Le troisième effort quant à lui se faisait une joie de synthétiser ses deux grands frères dans une grande marmite d’indietronica. Les choses commencent à tourner un peu avec Four, album rock, très rock. Trop rock. Oui, oui, trop rock. Je ne pensais pas pouvoir adresser un reproche aussi farfelu à un quelconque disque, et pourtant. Ce qui faisait l’identité, la force de Bloc Party disparaissait derrière un assourdissant tourbillon de décibels.
Bonne nouvelle : un petit EP prometteur, The Nextwave Sessions, annonçait le retour d’un quatuor de nouveau en forme. Mauvaise nouvelle : Matt Tong, batteur, et Gordon Moakes, bassiste, quittent le navire. Amputé de sa section rytmique, Bloc Party perdait une partie de son âme. C’est le cœur en proie au doute que l’on allait donc écouter Hymns, dans les bacs depuis le 29 janvier. Ça commence plutôt bien : Kele sussurre, glisse une allusion au second album (les paroles « Lord give me grace and dancing feet », reprises de leur morceau The Prayer). Et puis surgissent des claviers qui sonnent comme toutes les compétitions d’Eurovision jouées en même temps. Cela faisait longtemps que Bloc Party faisait joujou avec l’électro à des degrés divers, cette fois-ci il plonge plus que jamais la tête dedans. Et fait un plat.
Plat, on ne saurait trouver adjectif plus seyant lorsqu’on évoque Hymns : l’album manque de relief, d’idées, de mélodies marquantes. La section rythmique n’a plus son mordant et sa créativité d’antan. Oui, Kele chante toujours aussi bien, mais son blabla de dévot n’aide pas à valoriser les morceaux. Une vague tentative de se la jouer britpop (« The Good News »), beaucoup de fadeur (« Into the Earth », « Different Drugs », « Exes »)… on aimerait le détester, cet album. Le maudire, écrire des pages et des pages pour déverser un défoulant fiel sur sa médiocrité. Mais même pas,
Ce qui prime, à l’écoute de Hymns, c’est une indifférence polie et amère. Et c’est la pire des choses qui pouvait arriver.
Hélas.
Matthieu Vaillant