Ce n’est pas Coachella, ce n’est pas Woodstock, c’est Biches Festival 2019.

La quatrième édition du festival se clôture donc ce dimanche 16 juin par une journée gratuite. Pour les citadins qui rêvent d’une échappée sauvage, pour les familles adeptes du déjeuner sur herbe, pour les amoureux du rock à l’âme rêveuse, les organisateurs du Biches Festival ont tout prévu. Et il y en aura pour les grands et les petits.

Dans la clairière du Biches Festival, les festivaliers assis dans l’herbe, détendus, joyeux, profitent de l’instant présent quand Pion fait son entrée. Conteurs tonitruants, ils sont venus nous raconter une histoire, quelque part dans une galaxie (pas si éloignée). Leur rock folk électronique métapsychique porte des incantations explicites (« Quand tu danses à quoi tu penses ») qui font se lever les biches qui se prélassaient jusque là au soleil.

En plat de consistance, la cuisine rock du Biches Festival se fait fusion avec Bryan’s Magic Tears. En effet, cette fois nous franchissons la Manche et même l’Atlantique avec des guitares âpres et noisy soutenues par une batterie inspirée qui attirent les biches égarées.

Pause tonique avec Bon Entendeur version DJ set. On ne dirait pas à en juger par les ondulations des corps provoquées par l’enchainement de tracks acidulés efficaces, et pourtant nous ne sommes pas au petit matin d’une soirée électro mais bien en milieu d’après-midi : pari réussi et foule ravie, bravo Bon Entendeur.

On se retourne et sous le hangar c’est destruction joyeuse et collective de piñatas au programme pour les kids du Biches Festival. On vous l’avait dit, les organisateurs ont pensé aux grands et aux petits…

Pour terminer en beauté, ils nous offrent une délicatesse à consommer sans modération. Michelle Blades en duo avec Alexandre Bourit entame son set. Leurs deux guitares se font face sur scène et suffisent à porter les chansons de Visitor, dernier album de Michelle Blades. Sa silhouette joplinienne est d’autant plus troublante lorsque sa voix pure, qui rappelle celles des égéries des 60’-70’, nous plonge au cœur de sa musique, s’envolant sur Behind the Black. Michelle Blades qui venait de nous confier en interview (cf. infra) l’importance des expérimentations, nous offre une expérience d’absolue grâce en cette fin d’après-midi ensoleillée, fin de festival lumineux, n’ayant plus qu’à abandonner notre âme aux vibrations délicates de ses compositions. Son set terminé, on réalise que le temps s’est suspendu, telle l’image subliminale résiduelle d’une somptueuse biche à peine entraperçue et déjà évaporée.

A l’issue de ces trois jours de Biches Festival, à la programmation pointue, à l’ambiance familiale et détendue, il semblerait bien qu’on ait assisté à une métamorphose assez incroyable du côté de Cisai-Saint-Aubin en Normandie. Il se raconte que dans une clairière magique cachée dans les sous-bois, les biches dansent désormais sur leurs deux pattes, les oreilles dressées guettant les notes de musique enchanteresses. Elles ouvrent les portes de leur royaume chaque année mi juin : avis aux curieux…

Michelle Blades 03 Biches Festival 2019 Fanny Veyrenotes

Michelle Blades, l’interview :

Songazine : Qu’est-ce qui t’a motivée à composer ce nouvel album ?

Michelle Blades : quand j’écrivais les chansons qui sont sur Visitor, je ne pensais pas en faire un album. Je savais qu’un jour j’aurais plus ou moins une collection de chansons qui correspondraient à quelque chose. Je me suis rendue compte que j’avais quelques chansons qui « fitaient » et je me suis dit ok je vais faire un album, je vais commencer à arranger l’histoire avec ce que j’ai déjà, un peu de forcing dans le story telling et quand tu arranges bien les choses la personne qui l’écoute le reçoit comme une histoire.

Songazine : Cet album nous a fait penser à des tableaux, des instantanés notamment par les histoires multiples que tu racontes. Comment l’as-tu composé ?

Michelle Blades : Parfois il y avait une histoire qui inspirait la mélodie et parfois une mélodie qui inspirait une chanson. Il n’y a pas vraiment d’ordre chez moi, je n’ai pas « d’éducation formelle », la méthodologie que j’ai est toujours en train d’évoluer. Je n’ai pas encore défini les choses, je crois que je commence à entendre mon style. Il y avait plusieurs thèmes que je voulais aborder comme plusieurs éléments dans un tableau.

Songazine : Tu joues beaucoup avec ta voix sur cet album et en même temps elle est épurée, peu de stéréo dessus, peu de réverb… cela donne le sentiment d’aller à l’essentiel.

Michelle Blades : Je n’aime pas trop la réverb comme effet, parfois je sens que les notes peuvent se mélanger d’une façon où cela fait des frottements, à part quand c’est voulu. Là ce n’était pas mon effet de base, c’est plutôt un slap back, des délais très courts des années 50 qui sont restés et ont été adoptés ensuite par John Lennon et plein d’artistes.

Songazine : Qu’est-ce qui est le plus important pour toi quand tu joues en live ?

Michelle Blades : Normalement nous sommes cinq, avec tous les instruments joués en live mais ce soir on joue à deux avec deux guitares électriques, le set change beaucoup, les chansons sont interprétées de manière différente. Je n’essaie pas de compenser ce qui manque, j’essaie de présenter ce qu’il y a. C’est un autre regard sur l’album, sur le live avec le groupe. Je ne veux pas reproduire l’enregistrement, je veux que ça vive, que chaque membre ajoute son style et sa couleur et qu’on épuise les arrangements jusqu’à ce qu’on ne puisse plus les faire évoluer.

Songazine : Il y a une place très importante laissée à l’expérience dans ton travail…

Michelle Blades : Je suis assez méthodique, comme les acteurs je choisis un thème et je commence à le vivre malgré tout… J’expérimente avec moi-même, avec mes chansons, avec la science infinie de l’enregistrement. C’est ce qui me fascine le plus au monde, c’est infini… D’ailleurs c’est ce que je veux faire de ma carrière, j’aimerais bien toujours jouer, j’aimerais bien produire des artistes, il n’y a pas assez de femmes, je veux être dans un studio tout le temps, produire et mettre une touche sur la musique des autres, pour que chacun trouve son propre son surtout. Si je gagne ma vie comme ça, je vis mon rêve !

 

Songazine : Jouer en festival c’est comment pour toi ?

Michelle Blades : c’est cool ! Ca fait longtemps que je n’ai pas joué à deux. J’ai hâte, c’est une autre façon d’expérimenter… Je vais jouer avec Alexandre Bourit, on joue ensemble depuis 6 ans.

Songazine : Accepterais-tu de partager avec nous un souvenir de festival particulier en tant qu’artiste ?

Michelle Blades : J’adore Pete The Monkey, chaque fois que j’y suis allée c’est un souvenir particulier. J’ai aussi joué dans un festival au Mexique qui s’appelle Nrmal, c’est tellement cool comme festival. C’était particulier pour moi car j’ai joué avec mon groupe de là-bas, « Michelle Blades y Los Machetes ». C’était fun : juste jouer, sentir, ne plus penser.

Veyrenotes & Wunderbear

Un grand merci à l’organisation du Biches Festival, Superbiches, Öctöpus et à Gwen Chapelain

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