Il y a quelques jours, la jeune et jolie Emily Underhill (aka Tusks) se produisait au Cabaret Sauvage, en première partie de l’Islandais Àsgeir. À quelques minutes du concert, la jeune artiste nous a accordé une interview aux abords du cabaret, au couvert d’une terrasse illuminée par les rayons du soleil, le tout dans une ambiance solaire quasi-bucolique.
Dites-m’en plus sur vous ? D’où vient ce nom « Tusks » ? Qu’est ce que cela représente pour vous ?
Hm, je voulais un nom qui soit assez neutre, qui n’indique rien du genre de la musique ni de l’artiste, mais qui laisse une certaine idée de ce à quoi on peut s’attendre. Un peu comme quelque chose qui vous laisse un murmure sans vous indiquer clairement de quoi il s’agit. Cela m’a pris un temps fou pour trouver un nom qui colle. Je l’ai trouvé grâce à l’un de ces livres qui présente des listes de choses à faire, lire, écouter ; vous savez les « 100 choses à lire », « top 100 des choses à avoir écouté » et dans l’un deux se trouvait ce nom : « Tusk ».
En anglais cela signifie bien les « défenses animales » c’est ça ?
Oui exactement ! Mais j’aime à penser que rajouter un « -s » en fin de mot le rend plus féminin, alors que « Tusk » était plus brutal, beaucoup plus « grrr » (Rires). Voilà en gros l’histoire du nom !
D’accord ! C’est plus clair, d’ailleurs l’appropriation est intéressante. On s’attend d’abord à avoir quelque chose d’un peu rond, brut, qui soit presque « violent » à l’écoute ; et finalement, votre musique est très douce, très féminine, c’est sans doute grâce au « -s » à la fin du nom !
Et donc, vous avez commencé la musique il y a longtemps ?
En fait, oui, presque depuis toujours ! J’ai commencé le piano quand j’avais 4 ans.
Et maintenant vous avez quel âge ?
25 ans ! Ça fait 21 ans que je fais de la musique. C’est assez long, mais contrairement à ce qu’on pourrait penser je ne suis pas aussi bonne que je devrai l’être après tout ce temps au piano ! (rires). En fait, j’ai eu l’habitude de jouer librement. J’avais mes leçons de piano, et je détestais apprendre la musique qu’on me faisait apprendre, alors j’ai pris l’habitude de composer des morceaux et de les jouer ! Ensuite, j’ai fais de la musique au niveau A (équivalent du Lycée en France), puis à l’université !
Et dans tout ça, à quel moment avez-vous réussi à vous trouver ? Quand avez-vous pu identifier votre univers ?
Je pense que ce n’était pas juste à un moment précis. C’était plutôt une évolution constante. On s’approprie de plus en plus ses morceaux et on continue de s’améliorer. On comprend ce qu’on aime, ce à quoi on est bon et on travaille dessus. Je ne pense pas que je trouverai réellement un jour « mon » son, je pense que cela va juste continuer à changer en fonction de ce que j’écoute ou en fonction des périodes. Par exemple, en ce moment j’utilise beaucoup de guitare dans mes créations, parce que je m’améliore à la guitare et que je prends mon pied en en jouant !
Sur scène vous jouez vous-même des instruments en chantant ?
Oui ! Je joue du piano, de la guitare et un peu de beats (Sorte de batterie électrique via laquelle des sons spécifiques sont enregistrés et reproduits lors de la percussion) Parfois le tout en même temps !
En même temps ? Comment-ça ?
Oui ! Parfois je joue du piano de la main gauche et de la percussion de la main droite, c’est un peu compliqué !
(rires)
Oui ça à l’air compliqué ! Vous devez penser à tout en même temps !
C’est plus une habitude ; il faut pratiquer tellement que cela en devient faisable par la mémoire musculaire, à partir de là ça devient facile de faire le tout en chantant en même temps, c’en est même amusant !
Pourquoi vouloir avoir tout sous votre contrôle de cette manière ?
Je crois que comme mes morceaux sont pour une grande partie de l’électronique, c’est extrêmement difficile de diviser les instruments en jouant seule ; si je démonte les sons, que je les divise ce serait inintéressant car je devrais les reconstituer en production. Aussi, je ne veux pas juste être seule accompagnée par un fond sonore. Alors j’essaie de trouver un compromis où je peux en faire le plus possible sur scène afin de reproduire le son tel qu’il doit être mais je ne veux absolument pas chanter sur un fond musical.
C’est très intéressant, à l’heure de l’électronique, on a beaucoup de personnes qui se produisent uniquement avec un fond musical ou qui jouent d’un seul instrument et laissent le reste en fond musical, mais vouloir présenter la musique dans sa totalité montre une certaine authenticité, vous essayer de vous en sortir avec tout ça, c’est impressionnant !
Oui, j’essaye de me pousser constamment à en faire le plus possible !
C’est génial ! J’ai hâte de voir ça sur scène ! En parlant de ça, c’est la première fois que vous êtes en tournée ?
En fait, c’est la deuxième fois ! J’étais en tournée européenne il y a deux mois ; on a fait l’allemagne, la france, la belgique et l’angleterre en 3 semaines.
Ce n’est que le début d’une longue série !
Oui, on ne lâche rien !
Je crois que c’est le son « Dreamcatcher » qui vous a fait connaître il y a 3 ans ?
Oh oui exactement !
Je suis assez fan de cette musique, je l’ai écouté en boucle pendant un certain temps et je la trouve différente des autres, elle dégage une force particulière ; comment vous-est venu cette musique ? Enfin s’il y a une explication !
C’est assez drôle en réalité ! C’était sur mon premier EP sous le nom de Tusks et j’ai produit ce son pour ce blog, qui était assez intéressant ; je ne me souviens plus du nom mais ils avaient un concept assez cool. Il y avait beaucoup d’artistes qui passaient par ce blog et chaque artiste participant devait poser une question au prochain artiste et la réponse devait être le nom d’une chanson. Et un type m’a posé une question dont je ne me souviens même pas, et la réponse que j’ai eue était à propos d’un « dreamcatcher » (Attrape-rêve). Donc à partir de là j’avais le titre et il me fallait créer une chanson qui colle avec ce titre, qui soit dans le même esprit. J’ai pensé que cela pouvait être intéressant de faire une chanson à partir du titre. Je crois que ça fait maintenant 4 ans que j’ai créée cette musique et je l’adore, c’est pour ça que je l’ai mise sur mon premier EP !
C’est vraiment très intéressant comme histoire, parce que quand on l’écoute on ressent réellement qu’il y a quelque chose d’intense, de fort dans cette chanson.
C’est aussi une des premières chansons où j’explore les autres instruments, j’ai ajouté le guitare et le beat au piano, je suis dans quelque chose de plus complet.
Est-ce que vous pouvez m’en dire plus sur vos influences ? Y a-t-il un groupe, un artiste ou un genre de musique qui vous inspire plus que la normale ?
Quand j’ai créée Dreamcatcher j’écoutais beaucoup de musique électro, de Bonobo alors beaucoup de cet EP a été influencé par l’électro. Maintenant j’ai ajouté beaucoup de guitare, très influencé par Foals par exemple.
C’est amusant que vous parliez de ces groupes ! En écoutant vos dernières musiques j’ai vraiment senti l’influence aérienne de bonobo dans la construction musicale, ça se ressent tout en étant approprié puisqu’on voit vraiment que vous possédez vos morceaux. On sent qu’il y a, de la même manière que Bonobo une histoire dans vos musiques.
C’est un compliment ! Merci beaucoup ! J’adore cet artiste, il est vraiment très inspirant pour moi !
Y a-t-il quelque chose que vous voudriez ajouter ? Une anecdote à partager avec nos lecteurs ?
(rires) je pense toujours à des tas de choses à 3 heures du matin que je pourrais partager en interview mais quand je me retrouve à devoir répondre c’est le noir total !
Nous avons enregistré une grande partie de l’EP en France, une heure au nord de Lyon durant l’été dernier, il faisait très très chaud. J’ai eu un retour récemment du mec avec qui j’étais en production et comme il faisait très chaud à ce moment là il y avait des mouches et des insectes partout autour et dans certaines musiques on peut littéralement entendre les mouches voler dans le fond sonore ! Les gens pensent qu’on l’a fait volontairement mais on s’est juste retrouvé sans le choix face à tous ses insectes ! Il y a même des cigales que l’on entend dans une chanson ! C’est assez drôle quand on écoute à ces musiques et que l’on repense à ces insectes qui ont participé à la création !
(rires) J’ai une dernière question, peut-être compliquée, mais une toute dernière avant de vous laisser monter sur scène : Quelle est la raison, selon-vous, qui fait que l’on devrait écouter vos musiques ?
Waouh, c’est vraiment pas évident. C’est un peu narcissique comme question n’est-ce pas ? (rires).
Oui c’est ça ! Un peu comme à un entretien d’embauche où on doit exposer nos points forts et nos points faibles ! (rires)
Je crois que les gens écoutent généralement mes musiques parce qu’elles ont une influence sur beaucoup de choses ; c’est ce que beaucoup de personnes me disent en écoutant. Je pense que c’est ça, c’est le genre de musique qui peut influencer les sentiments des personnes. Mais je pense que c’est vous qui devez dire aux gens pourquoi ils doivent m’écouter ! (rires)
Vous marquez un point ! (rires) Et finalement, si vous pouvez y répondre ; pourquoi est-ce que vous créez ?
J’aime juste ça ! Je suis obsédée par la musique ! J’adore découvrir des nouveaux groupes, des nouvelles musiques, écouter toujours des choses nouvelles ! Je suis réellement obsédée par ça et je suis vraiment excitée quand j’ai l’idée d’une musique. Je plane presque quand j’ai une idée comme ça, ça me donne une montée d’adrénaline comme ces gens qui vont courir et qui sont boosté par ça ! La création est même entraînante. J’adore le processus créatif, on passe par les 3 étapes les plus bipolaires possible, quand on à l’idée c’est super ; le temps intermédiaire quand on essaye de reproduire ce qu’on a en tête est insupportable et au final c’est extrêmement excitant. Justement, comment vous procédez pour créer vos musiques ? C’est différent pour chaque titre. Parfois j’aime m’asseoir et juste écrire, puis essayer quelques arrangements sur les instruments. D’autres fois j’ai une idée très forte de ce que je veux créer et donc j’essaie de mettre en place ce que j’ai en tête. Je fonctionne beaucoup par l’intuition !
Et bien, merci beaucoup pour votre temps et pour vos réponses à ces questions ! On va vous laisser pour le concert !
Merci à vous ! Profitez bien du spectacle !
La prestation est sans conteste une invitation dans le monde aérien de Tusks. Les morceaux s’enchaîne dans une logique presque évidente, comme si chaque titre était l’étape constituante d’une histoire que l’on vit grâce aux vibrations mélodieuses de sa voix cristalline. Tusks nous transporte, elle nous amène vers des hauteurs inatteignables. Elle fait de la musique électronique un genre complet et un savoir-faire à part entière.
Propos recueillis par Axel Viersac