The Wanton Bishops

Nous les avions rencontrés un soir au Bus Palladium, lors d’un concert pour le MaMa Festival. Cette fois-ci, c’est dans les locaux de l’Espace Paul B, au cours des Primeurs de Massy. Songazine a l’honneur de rencontrer Nader Mansour, chanteur guitariste du groupe The Wanton Bishops. Partons à la découverte de ce blues rock band venu de Beyrouth au Liban.

Tel un scénario rock’n’rollesque, Nader Mansour a rencontré son partenaire de scène Eddy, à la sortie d’un bar. Pour rajouter un peu de piment, c’était durant une séparation de bagarre. « J’avais un groupe où nous jouions des reprises de blues. Il nous manquait un guitariste. J’ai recruté Eddy, sans le connaître. Un soir, j’ai tempéré une baston où il était, à la sortie d’un bar. J’ai fini au poste. C’est lui qui m’a aidé à sortir de garde à vue. Si ce n’est pas une belle preuve d’amitié« , s’exclame Nader. « Tout de suite après on a continué à jouer tous les deux, à écrire des chansons« . The Wanton Bishops était né.

The Wanton BishopsLes deux amis ont des origines musicales différentes. Nader tangue vers l’Amérique et Eddy plus vers l’Angleterre : « J’ai ce côté là. Je reviens au roots. Le blues africain et celui du Mississippi. Je n’ai jamais écouté Chicago, le west coast blues, les BB King et les autres. Tout ce qui jouait des accords : ça ne m’intéressait pas. Maintenant, je change. Je découvre les Kinks », explique le guitariste il aborde le cas de son camarade : «  Eddy est plus UK pop genre les Beatles et non le blues revival des Stones ».

Sleep With The Lights On est leur premier album. Nous allons le décortiquer ensemble. L’album est enregistré à Beyrouth : « C’était au Tunefork Studio. Le seul d’ailleurs qui pouvait nous accueillir. On était sous la tutelle de Fadi Tabbal, le godfather de la scène indépendante, une véritable encyclopédie sur pattes« .  Il explique : «  A cette époque, on ne savait pas quoi faire. Il faut savoir que nous ne sommes pas musiciens à l’origine. Eddy était dans l’économie et moi dans l’ingénierie financière. C’était à l’arrache avec à peine de quoi se payer le matos». Whoopy (intro) et Whoopy sont deux des favorites de l’album : » Je me souviens quand je l’ai écrite. Je revenais de Turquie et j’avais quarante de fièvre. C’est pour ça qu’elle a un son très bizarre. Dans cet album, on a préféré garder toutes les conneries, la vérité en quelque sorte. » Oh Wee et la chanson éponyme de l’album sont les deux préférées de notre chanteur. Smith and Wesson a cette particularité qu’elle est le nom d’une manufacture d’arme américaine. Ils ont construit le fameux S&W Model 29 de calibre 44 Magnum de Dirty Harry. Il explique les paroles :« Elle raconte un pseudo-meurtre. Quelqu’un qui a eu l’idée, enfin, un pote à lui de tuer sa femme car elle n’a pas été honnête avec lui. Après on ne favorise pas la prolifération des armes, ni l’apologie du crime. Cependant quand t’apprends ça, tu as juste envie de tuer celui qui a fait ça« .

Ce qui avait frappé Songazine c’était l’utilisation d’un Oud électrique, en concert. Elle donne à leur Blues ce côté oriental. Il revient sur le choix de l’instrument « Nous étions dans le désert jordanien où nous devions jouer un morceau avec un groupe bédouin. J’ai vu un gars le jouer. Je trouve une ressemblance avec la gamme pentatonique. Je l’ai emprunté et j’ai réussi du premier coup à l’utiliser. J’en ai trouvé un, puis, bidouillé en électrique. À chaque fois qu’on le joue on a toujours eu de bons retours ». Ils l’ont incorporé dans le morceau live Waha (Oasis).

Leo Bud Welch, Junior Kimbrough et R.L Burnside

Le blues ou le rock libanais est encore méconnu de nos oreilles. Nous avons cherché un groupe dénommé Scrambled Eggs : »C’est le premier groupe de vrai rock. Parfois on peut parler de post-punk. Le chanteur est notre producteur. C’était la rock star de référence avant que nous débarquions« , sourit l’artiste. Il y a un groupe qui a commencé bien avant c’était Soapkills, du trip hop. Ils étaient vraiment les deux précurseurs de la musique moderne. » Une nouvelle génération s’implante au Liban et Nader se réjouit : »Postcards, Who Killed Bruce Lee, Safar. Ils sont jeunes et c’est super qu’ils prennent la relève dans la musique ».

 Walk It Home est un documentaire sur leur traversée américaine en partance de Beyrouth. « Tout commence en 2014, au South by Southwest (SXSW) au Texas. Red Bull Records nous a demandé de filmer notre périple pour en faire un vrai film « , raconte Nader. Mississippi, Louisiane, Tennessee, sont les étapes musicales de nos musiciens. Il se souvient :  » A Memphis, on a enregistré un morceau avec le producteur d’Al Green. Robert Plant et Keith Richards ont joué leurs nouveaux albums, une semaine avant nous, dans ce studio. La classe! » Ils ont rencontré Vasti Jackson et un autre ancien du blues.  » C’était Léo Bud Welch. Il a sorti son premier album à 85 ans. Il est le seul encore restant de Fat Possum Records où il y avait Junior Kimbrough ou R. L Burnside. Ces mecs là, ils n’ont jamais été reconnus à leur juste valeur, puisqu’ils ne portaient pas de veste et ne sont pas montés à Chicago. » Il conclut : »Ce n’était pas véritablement un retour à la source. C’était plus une recherche d’inspiration. On pensait que c’était elle notre musique. En faite non. Plus on s’approchait du Mississippi, plus on se rendait compte qu’on était libanais et c’était notre blues à notre façon ».

Le monde est petit car ils ont failli jouer avec Seasick Steve lors de son concert au Bataclan. « On a  failli faire sa première partie au Bataclan. Il a adoré notre blues. Il nous a même envoyé un mot de félicitations. Le seul problème était qu’on était trop bruyants pour lui, » s’amuse-t-il.

Thomas Monot

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