Officiant depuis sa récente création, en 2016, dans le hardcore mélodique, Forgive vaut largement le déplacement. Rappelons aux blasés et autres sceptiques que le hardcore mélodique est une discipline compliquée et périlleuse, un peu comme le point de croix avec des gants de boxe. On en sait d’autant plus gré à ceux qui y excellent sans tomber dans le maniérisme emo ni la brutalité à front bas, les deux écueils classiques.

J’ai tout aimé dans Forgive : la voix déchirée sans affectation, l’énergie communicative, la complicité entre les cinq membres du groupe qui se transforme en explosion collective en concert, l’envie évidente d’être là, les compositions propres et bien exécutées et surtout l’émotion qui prend au ventre à l’écoute de leurs titres.

Nous nous sommes revus le lendemain matin pour une interview et le club des Cinq avait manifestement passé une nuit assez courte pour que l’hypothèse d’un jetlag entre Limoges et Bourges, leur camp de base, devienne une question sérieuse. Quand toute ton énergie est tendue vers la scène, tu ne perds pas ton temps à dormir un week-end de mini-tournée.

Si chacun d’entre eux a des influences différentes tout le monde est d’accord sur la référence absolue et ultime du groupe : Defeater. La révérence va jusqu’aux textes, inspirés de ceux du combo américain (dont tous les morceaux sont des épisodes d’une longue saga sur une famille du New Jersey). Les Français de Forgive ne vont pas aussi loin dans le concept mais leurs paroles évoquent le malaise relationnel. L’album dont ils viennent de terminer l’enregistrement suit une progression : « ça parle de la famille, des interactions qui se passent plutôt mal, explique Guillaume, bassiste et parolier du groupe. Au fil de l’album, plus ça va, plus tu t’éloignes et ça finit sur une vision globale assez pessimiste. Notre dernière chanson s’intitule : Hell is the others, l’enfer c’est les autres. »

Forgive band

Quand on leur demande ce qu’ils feront de ce premier album qui devrait sortir cet été, ils répondent qu’il leur permettra de démarcher d’autres dates de concert et, ils l’espèrent, de payer le suivant. Parce qu’ils ont déjà commencé à composer les morceaux du deuxième. Et que la scène : « c’est ce qu’on aime faire. On kiffe de faire 4 heures de route pour jouer 40 minutes. On a tous des boulots alimentaires, on bosse pour payer nos week-ends de concert et notre matos. »  Si le hardcore mélodique reste assez confidentiel en France, ce petit milieu où tout le monde se connaît leur permet de trouver des dates, même s’ils aimeraient jouer plus souvent et plus loin et rêvent de concerts en dehors des frontières hexagonales. Vu l’énergie, la sincérité et la densité de leur prestation, c’est tout le mal que l’on souhaite à la scène hardcore.

Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère, tu seras bien inspiré de bouger ton fondement et de faire quelques kilomètres quand ils joueront pas trop loin de chez toi.

(à écouter ici !)

Henriette de Saint-Fiel

 

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