dead-kennedys
Cet article est le numéro 2 sur 7 du dossier Spéciale couvertures

Avec Jello Biafra, il semble que la provoc n’a jamais eu de limites.

Zéro barrière, zéro et surtout zero fuck given.

Qu’il s’agisse d’appeler son groupe les « Kennedys morts » même pas vingt ans après l’assassinat du président des États-Unis (imaginez si un truc pareil se reproduisait de nos jours…), de se réjouir à la vue d’enfants morts sur le trottoir (« Funland at the Beach ») de scander « Pol Pot » au détour d’un morceau surf-punk brillamment composé, ou encore de reprendre le célèbre « I Fought the Law » à sa sauce en chevrotant « I fought the law, and I won, I am the law so I won ! » le vocaliste le plus chèvresque de toute la sphère punk n’a jamais eu froid aux yeux.

Et question provocation, la pochette du second album des Dead Kennedys (Plastic Surgery Disasters, sorti en 1982) fait fort. Cette photographie fait partie de ce club, plutôt fermé, des images qui ont fait le tour de la planète. Cette photo, c’est «Hands» du britannique Mike Wells. Le contraste entre la maigreur surréaliste de la main de cet enfant Ougandais (le pays était alors frappé par une famine de grande ampleur) et celle de ce moine catholique est saisissant. Le choix du cadre, lui, est aussi parlant que pertinent : pas besoin de montrer plus, ni ventres gonflés ni côtes saillantes, une simple mise en perspective des choses suffit à nous infliger l’électrochoc, nous occidentaux bien nourris (pas tous, CERTES). La photo vaudra à Wells le prix de la meilleure photo presse 1981.

Rien d’étonnant donc, à ce que l’iconique cliché ait été choisi par les Dead Kennedys, qui en dépit de ses facéties, demeure un groupe engagé. Rappelons d’ailleurs que Biafra est l’auteur et compositeur de « Nazi Punks Fuck Off ! », hymne antifachos repris plus tard par les compères grindeux de Napalm Death. Mais revenons à Plastic Surgery Disasters, si vous le voulez bien. Une fois le choc esthétique passé, on se rend aisément compte que le choix d’un tel cliché coulait de source. Comme le disait un certain Didier Super (je n’arrive pas à croire que j’ai pu réussir à le placer dans un papier sur les Dead Kennedys) : « Vaut mieux en rire que s’en foutre ». Tel semble être le mantra des Dead Kennedys : notre monde part en sucette, mais il sera toujours préférable de le montrer, quitte à draper le tout dans un humour très noir, plutôt que faire l’autruche. On notera d’ailleurs la sobriété de la pochette : la photo, le nom du groupe qui flotte discrètement au-dessus, et c’est tout. No comment. En ce sens, on peut voir cette pochette comme une « provocation », au sens littéral du terme cette fois-ci. Les Dead Kennedys cherchent à provoquer quelque chose, une réaction, des vocations dans l’humanitaire, de l’indignation. Tout, sauf l’indifférence. Comme quoi, les punks avaient beau ne pas sentir très bon, être incapables d’aligner plus de trois accords basiques ou faire preuve de goûts capillaires douteux, ils n’en avaient pas moins du cœur.

P.S : J’en profite aussi pour vous recommander l’album, trop souvent éclipsé au profit de Fresh Fruit For Rotting Vegetables, premier disque du groupe. Certes, vous n’y trouverez pas les tubes que vous connaissez (« California Über Alles », « Holiday In Cambodia ») mais vous aurez tout autant de plaisir à savourer les corrosifs « Terminal Preppie », « I Am the Owl » ou encore la géniale « Winnebago Warrior » qui sort des passages de guitare western totalement démentiels.

À ne pas rater.

Matthieu Vaillant

Dans le dossier :<< Riding with the king : une idée du paradisPremiers émois : The Alan Parsons Project >>
Share