Je me souviens encore de l’émotion qui me parcourut de pied en cap lorsque j’entendis pour la première fois la voix de Beth Hart un soir de 2012, peu après minuit, sur Les Nocturnes RTL de l’ami Georges Lang. Nul besoin de vous dire que je fus immédiatement ‘’scotché’’ et que je mis du temps à trouver le sommeil cette nuit-là…

Je me souviens encore de son premier concert au New Morning le 6 mars 2012, accompagnée de ses deux fantastiques guitaristes, le fidèle Jon Nichols et le surdoué Joshua Ray Gooch (aujourd’hui lead guitar de Shania Twain).

Absente depuis sa tournée en Europe fin 2016, et après une (interminable) année 2017 “off” de sa voix sublime, tour à tour cajoleuse, puissante et rocailleuse, il nous tardait de découvrir le nouvel opus de la californienne, ‘’Black Coffee’’, tout juste sorti le 26 janvier, deux jours après qu’elle ait fêté son quarante-sixième anniversaire.

Cover Black Coffee - Beth Hart & Joe Bonamassa

Elle est accompagnée cette fois encore par l’émérite et prolifique guitariste Joe Bonamassa. Leur première collaboration remonte à huit ans en arrière, lorsque Beth Hart interprète deux titres de l’album ‘’Dust Bowl (2010)’’ du bellâtre gominé, que suivront les albums studio ‘’Don’t Explain (2011)’’ et ‘’Seesaw (2013)’’ et un album live au Paradiso d’Amsterdam.

Sur ‘’Don’t Explain’’, Beth Hart revisitait des standards de Billie Holliday, Etta James, Ray Charles, Melody Gardot, Aretha Franklin et le ‘’Hot Chocolate’’ de Tom Waits, surpassant allègrement les versions originales. Je vous invite à écouter ‘’I’d Rather Go Blind’’ qui, sauf le respect pour la diva Etta James, sublime la version de celle que l’on surnommait ‘’Miss Peaches’’ (allez donc savoir pourquoi).

Sur ‘’Black Coffee’’, c’est de nouveau sous la houlette du producteur Kevin ‘’The Caveman’’ Shirley (Led Zeppelin, Dream Theater, The Black Crowes, Aerosmith, Iron Maiden, Slayer), que Beth Hart et Joe Bonamassa mettent en lumière des titres blues et soul plutôt méconnus.

C’est le cas de ‘’Give it Everything You Got’’ de Edgar Winter’s White Trash, fusion de hard rock et d’un ‘’Southern Soul’’ funk typique de Stax Records, et du corsé ‘’Black Coffee’’ (gospel rhythm and blues).

Sur ‘’Damn Your Eyes’’, lorsque Beth nous déclame ‘’Damn Your Eyes/For taking my breath away/Makin’ me want to stay… Makin’ me fall in love again’’, on a le souffle coupé, le cœur battant des oreillettes et des ventricules en tous sens et le septum prêt à fissurer.

La voix se fait sensuelle, posée et doucereuse sur la poétique ‘’Lullaby of the Leaves’’, hommage à la divine Ella Fitzgerald.

Viennent ensuite le jazzy ‘’Why don’t you go right’’, titre de cabaret entre sensualité et autorité, ‘’Saved’’, gospel R&B datant de 1961, chantée par la plantureuse chicagoane Lavern Baker et ‘’Sitting on Top of the World’’, un classique folk-blues de 1930 maintes fois adapté, réinventé et repris par Ray Charles, Carl Perkins, The Grateful Dead, Cream, Dylan ou encore Jack White.

Le country-blues ‘’Joy’’ est une ode à la joie que l’on veut retrouver à la suite d’une relation destructrice (‘’I don’t want you anymore/You took my joy/I want it back’’).

Lavern Baker s’invite à nouveau sur ‘’Soul On Fire’’, incandescente déclaration d’amour.

‘’Addicted’’, emprunté à l’auteur-compositeur-interprète autrichien Waldeck, clôt merveilleusement l’album.

‘’Black Coffee’’ puise aux origines du blues qui seul peut véhiculer avec autant d’émotions les histoires personnelles et les tristesses.

Beth Hart est une américaine blanche qui chante le blues comme avant elle les plus grandes chanteuses afro-américaines originaires du ‘’Deep Soul’’, du Tennessee (Aretha Franklin, Bessie Smith), du Mississippi (Lil’ Green), du Texas (Esther Phillips) et de l’Alabama (Dinah Washington).

Elle joue et chante le blues, le rock, le gospel, le folk et le jazz comme peu l’ont fait avant elle.

Tout à la fois ‘’Lady Day’’, ‘’Queen of the Blues’’, ‘’Lady Soul’’ et ‘’The First Lady of Swing’’, elle porte le blues à un rare degré d’émotion et en restitue la modernité. On en oublierait presque le jeu stéréotypé de Joe Bonamassa, dont les albums solo sont aussi saoulants qu’un blended whisky portant les mêmes initiales que lui, la technique écrasant la magie émotionnelle.

104 jours me séparent du concert parisien de Beth Hart le 14 mai prochain au Palais des Congrès de Paris. Je m’imagine déjà dans la salle, assis sur le fauteuil au rang B place 006. Beth Hart au piano, seuls trois mètres nous séparent. Je ferme les yeux, lâche prise et l’entend qui s’adresse à moi : ‘’I found my true love with you forever/And my life has just begun/’Cause now you set my soul on fire’’…

Au moment de repartir, à la fin du concert, alors que le pavé de la Porte Maillot me happe déjà, j’entends ses mots… ‘’Oh baby come back to me/Please darling can’t you see/That I’m addicted to you/That I’m addicted to you’’.

Je prends la poudre d’escampette dans la nuit parisienne et printanière, craignant d’avoir à affronter les énormes paluches de son mari Scott Guetzkow, un type pourtant adorable.

Soyez patiente à votre tour chère Beth, nous nous reverrons en novembre.

 

Alechinsky.

 

Tournée française : 14/05 Palais des Congrès, Paris – 11/11 Palais de la Musique et des Congrès, Strasbourg – 13/11 Théâtre Sébastopol, Lille – 15/11 Théâtre Alexandre Dumas, Saint-Germain-en-Laye – 17/11 Le Vinci, Tours – 19/11 Cité des Congrès, Nantes – 21/11 Théâtre Fémina, Bordeaux – 23/11 La Bourse du Travail, Lyon – 25/11 Le Silo, Marseille.

 

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