Autant annoncer la couleur tout de suite, « Autochtones » est un livre surprenant, atypique, qui est tout sauf simple.

Autant aussi donner le ton, ce livre est à mon sens une pépite de littérature… inclassable, entre roman à clefs, mystère et fantastique.

Ne dévoilons rien, mais sachez qu’il s’agit d’une enquête menée dans une ville de l’ex URSS, sur un mystérieux opéra joué une seule fois en 1922, qui aurait vu tout le monde y péter un plomb (ce n’est rien de le dire, je ne vous gâche pas l’intrigue). Ceci est le point de départ, mais Maria Galina va nous emmener vraiment loin, très loin.

Le héros va surtout remonter le fil de l’Histoire, en rencontrant les … autochtones, galerie savoureuse de locaux pour ne pas dire « locos », si cela ne se déroulait dans un univers russophone, et tous plus étranges les uns que les autres. Artistes, illuminés, chanteuse d’opéra, collectionneurs de souvenirs, antiquaires mystérieux, passants visionnaires ou acariâtres, riders façon Hell’s Angels très tordus, personnel surprenant de bars et restaurants plus ou moins indiqués dans les guides, …

Cette ville est inquiétante : elle est envahie en son centre de touristes en bancs serrés dans une ambiance de fête excessive, presque malsaine et dotée d’une périphérie effrayante (cimetière, quartiers perdus). Votre chauffeur de taxi sait où vous êtes à chaque instant, il vous attend partout, les serveurs vous disent « comme d’habitude » et vous revivez certains instants chaque jour, de façon identique. Les références à l’Histoire sont légion, la ville a reçu son lot de coups et blessures des régimes totalitaires qui s’y sont succédé.

Le récit progresse en spirale, accrochez-vous, le mystère pourrait sans doute s’éclaircir mais (c’est là le grand talent de l’auteur), nos sens se troublent, la réalité dérape vers un univers où le fantastique se mêle au réel, par petites touches. Ces autochtones, qui sont-ils vraiment ? On ne s’étonne plus de rien à la fin. Aurions-nous tous rêvé cette histoire complexe ?

Si j’osais des comparaisons cinématographiques, ceci me fait penser à un troublant remix entre le scénario du film « Un jour sans fin », à du David Lynch made in Russia (Eraserhead), voire à du Hitchcock sous champignons hallucinogènes. On peut rire (jaune), on peut être ému, on peut hausser les sourcils : chaque page vous réserve quelque surprise.

Je vous recommande fortement la lecture d’Autochtones si vous aimez le bizarre, le paranormal, les galeries de personnages hors du commun et la résolution d’énigmes à tiroirs.

Encore merci aux Editions Agullo de nous proposer une littérature qui mérite que l’on s’y jette pour frissonner un peu, comme un nageur téméraire plonge par bravade dans l’eau de mer un premier de l’An.

Jérôme « Jack Of Diamonds » V.

Autochtones Maria Galina

 

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