Marquis par Richard Dumas

Il y a des groupes qui connaissent une ascension fulgurante et s’éteignent soudainement. D’autres n’ont de cesse de se réinventer. Frank Darcel, Philippe Pascal, Eric Morinière et Thierry Alexandre font partie des phénix sur lesquels plane l’ombre du Rock. Ou peut être est-ce l’inverse ?

Après s’être reformés en 2017 et avoir donné un concert à Rennes, les musiciens s’étaient tenus éloignés de la scène afin de se consacrer à l’élaboration de ce qui devait être leur troisième album. Le sort en a hélas décidé autrement. Privés de l’aura de Philippe Pascal, il n’a cependant pas été question pour les musiciens de tourner le dos à la musique. La rencontre avec Simon Mathieu fut alors décisive, et de cette collaboration est né Aurora.

Plus qu’un album, cet opus se pare d’une forme reliquaire, en semblant contenir l’effervescence des années 70 conjuguée à des ambiances hétéroclites : Brand New World s’articule autour du Glam Rock inspiré de Bowie, avec une marche harmonique très seventies tandis que Je n’écrirai plus si souvent revêt des accents plus pop.

Aurora est la preuve que rien ne meurt jamais vraiment, et que le visage polymorphe d’Orphée n’a jamais été aussi bien porté.

Nous avons rencontré Frank Darcel afin de l’interroger à propos de cette nouvelle œuvre.

Marquis de Sade devient Marquis, pourquoi avoir décidé de changer de nom ?

L’image et la créativité de Philippe était vraiment constitutive de l’identité de Marquis de Sade. Notre rencontre avec Simon nous a conduits vers une nouvelle aventure et nous ne voulions pas faire porter à Simon le poids de cet héritage. Nous avons gardé le nom de Marquis car Eric, Thierry et moi nous sommes produits sous cette identité durant quarante ans. Cependant, c’est une nouvelle aventure qui débute.

Votre album Aurora a été élaboré en trois ans, et enregistré dans différents pays…

Après le concert de reformation du groupe en 2017, j’ai commencé à faire des démos dans mon studio. Entre le moment des premières maquettes et les dernières retouches de mastering trois ans se sont écoulés, en effet. Cependant, il y a eu des moments d’arrêts ou moins productifs. C’est une longue période qui permet aussi d’apporter les retouches nécessaires aux morceaux.

Vous vous êtes entourés de nombreux artistes, comment cela s’est déroulé ?

Nous avions très envie d’inviter des personnes dont la présence nous semblait fondamentale. Après le décès de Philippe, nous avions pensé inviter un interprète par chanson, chose qui s’est avérée compliqué mais nous avions très envie que Etienne Daho soit là, Christian Dargelos également ainsi que Dominic Sonic, Dirk Polak et Marina Keltchewsky . Cela fait beaucoup d’interprètes  à la fois !

Quelques mois auparavant nous étions aux Etats Unis pour inviter des musiciens que nous aimons tous beaucoup, soit  les guitaristes Ivan Julian et Richard Lloyd, ainsi que le saxophoniste James Chance. On arrive en effet à 25 invités sur l’album, c’est une production exécutive qui était très complexe.

Certains d’entre eux sont des musiciens que vous écoutiez adolescent, qu’est ce que cela fait de collaborer avec eux ?

J’ai eu la chance d’avoir un des membres de ma famille qui vivait aux Etats Unis, plus précisément à New York. L’été 78 j’y suis resté trois mois, et j’ai beaucoup fréquenté les clubs. A cette époque c’était une super période pour le Punk New Yorkais !

Avoir de tels musiciens sur cet album, tel que Richard Lloyd est évidemment une chance et un honneur.  J’ajouterais cependant que cet album clôture beaucoup de cycles, Aurora porte la trace d’une véritable histoire à laquelle Simon prend part tout en lui apportant une certaine modernité.

Pourriez-vous nous parler de votre rencontre avec Simon ?

A ce moment nous avions pour idée d’inviter et de garder le nom de Marquis de Sade, et de faire figurer au sein de l’album les deux titres enregistrés par Philippe. Nous avions pour souhait d’inviter Arno, qui n’était pas disponible à ce moment là. Adriano Cominotto, le claviériste qui a joué sur l’album nous a donné les coordonnées de Simon avec lequel nous avons échangé des fichiers sonores puis des essais de voix qui nous ont convaincus.

Les titres qui somposent Aurora couvrent également beaucoup de faits de société… Peut on dire que c’est un album engagé ?

Peut être d’une certaine manière, mais le propos de Marquis de Sade a toujours été un peu colérique et révolté. Il y avait une forte sympathie pour l’anarchie (organisée)  de manière générale et je pense que j’ai toujours cette fibre là. Nous sommes très attachés à l’identité Européenne et la situation politique actuelle nous révolte quelque peu, et nous donne envie de proposer des solutions différentes. Les textes évoquent le marasme général dans le monde également. Cela nous conduit à penser que des micros sociétés solidaires pourraient être une solution.

On ressent un certain attachement à la Bretagne dans l’orchestration … Est-ce une terre qui vous inspire ?

Le fait que la plupart des prises aient été faites ici, au Trégor  nous a inspirés. Il y a une certaine dureté dans certaines orchestrations qui résulte sans doute des conditions dans lesquelles nous enregistrons. L’animalité qui ressort dans certains arrangements est peut être également dû à cela. La Bretagne est une terre que j’affectionne beaucoup, mais je ne suis pas monomaniaque.

Pourquoi avoir fait paraître le voyage d’Andrea et European Psycho en premier ?

Le voyage d’Andréa est un hommage à Philippe et nous avions à cœur que ce soit une des premières parutions. European Pycho fait partie des premières compositions que Simon a interprété, et le résultat  a beaucoup plu à la maison de disques qui a décidé de faire paraitre ce titre rapidement.

Est-ce qu’il  y a un titre qui vous tient particulièrement à cœur au sein de cet album ?

Il y en a beaucoup ! J’aime beaucoup Um immer jung zu bleiben. C’est celui au sein duquel l’identité de Marquis se dévoile, et il y a Richard Lloyd qui joue un solo de guitare.

Je suis aussi très attaché à la présence de Etienne Daho, Je n’écrirai plus si souvent fait partie des titres qui m‘importe le plus ainsi que Soulève l’horizon chanté par Dirk Polak.

Qu’est ce que le nom d’Aurora évoque ?

Aurora fait référence à une ville américaine qui est le but d’un voyage qui figure au sein de mon premier roman, le Dériveur. Le mot d’Aurora évoque l’aurore et les lieux dans le monde qui porte ce nom m‘ont toujours intéressés. Néanmoins ce ne devait pas être le titre de l’album, il nous a été conseillé par Etienne Daho, et je pense qu’il est bon de suivre ses conseils …

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Nous avons hâte de remonter sur scène, il y a des concerts prévus à Paris et à Rennes le 2 et 5 Juin. Il y aura en Septembre et Octobre une tournée plus conséquente. Nous aimerions jouer dans des clubs aux Etats Unis en Novembre. Un second album est également prévu.

Marquis par Richard Dumas, Rennes, 2021

Marquis par Richard Dumas, Rennes,2021. (Argentique).

 

Jérôme Vaillant nous livrait il y a quelques jours une jolie critique des albums indispensables de cette 2021, parmi lesquels figure Aurora, à retrouver ici :http://songazine.fr/v2/2021-nouveautes-en-2021/

 

Emma Forestier.

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