Fishbach, de son vrai nom Flora Fishbach figure au premier plan du jeune horizon musical français depuis 2016. Elle chante, écrit et joue de la guitare. C’est au festival des Inrocks en 2015 qu’elle pose ses marques, puis ses valises en résidence aux Transmusicales de Rennes afin qu’un premier EP naisse. à ta merci, son premier album (ponctuation non incluse) sorti chez Entreprise/ Sony/A+LSO en 2017, diffuse une voix mezzo-dramatico pop, mi-grave, mi-aiguë, somme toute barbaraesque (Barbara, la chanteuse de noir vêtue) aiguisée selon l’émotion du texte. La mélodie pop qui accompagne son charisme vocal défraie la mélancolie chronique à bien des égards.
Une certaine fragilité se décèle au fil des mots prononcés portant des textes forts empreints de vie et surtout de mort. Son style modulant lucidité et sons pop des années 80 fait bouger les lignes et surtout ponctue en remplacement des majuscules et points manquants des titres des douze morceaux en affichage de la playlist du CD. A première vue on y perd son latin, sauf que les latins eux-mêmes ne connaissaient aucune ponctuation ! Mais quelques virgules rescapées limitent les pauses pour laisser place à des tirets. On a fait maintes fois référence à Charleville-Mézières et son Rimbaud natal à Fishbach, moi je lui trouve quelque chose d’Emily Dickinson (poétesse américaine) par rapport aux tirets et à la mort d’un seul trait son mot de paroles favori, répété et décliné à l’envi. Mais elle en écrit trop, l’autre pas assez. Une raffraîchissante pincée de subversif dans cet album agrémente des morts mises en paroles d’une dégustation auditive. A chaque morceau correspond une ambiance et une variation sur le même thème, la mort plus ou moins. « ma voie lactée » lance l’album et propulse dans l’intime voyage mystérieux d’un « tu » et d’un « je ». Sur « y crois-tu », il n’y a point d’interrogation, volontairement disparu, seuls les tirets sont conservés (à la Emily Dickinson) et la batterie s’apaise un moment. Pas pour longtemps, « éternité » a pour refrain une demi-mesure atemporelle et un air vintage accentuant un soupçon d’indochinoiserie (Indochine, groupe français des années 80). « feu » consume une courte et intense chanson digne d’une bande originale de film de littérature gothique. L’orgue final perçu à la fin d’ « on me dit tu » parachève les paroles défuntes de ce morceau, le comble d’une inquiétante étrangeté (unheimlich freudienne) en inquiétante familiarité. « invisible désintégration de l’univers » continue à déployer le pouvoir psychotique de mots rythmant les sons de leurs rimes, tel une comptine qui sonne le glas aux portes de l’univers. « le château » passe pour le théâtre (gothique local) vocal d’un drame non évité, comme un éloge funèbre de la disparition (suicidaire ? on se pose la question) d’un guide, dont la mort pris son envol. Du nom commun mort on passe à l’adjectif « mortel » dans lequel on entend ce qu’on veut bien voir, on écoute et saisi le tempo au vol. Sentant la fin des fins de l’album repoussée vers un passé de sonorités stéréo, Fishbach chante son baroud d’honneur au « meilleur de la fête ». Enfin, le morceau titre de l’album « à ta merci » met l’accent sur une mort encore sans pitié (du mercy anglais) qui boucle ce premier LP abouti.
Donc, Fishbach ce n’est pas mettre un point final, cela serait plutôt deux points ouvrez vos guillemets pour écouter plus qu’entendre «assez de bavardages» (un beau langage). Fishbach c’est un timbre envoûtant et une vraie présence sur scène. Il faut aller la voir en concert, ça tombe bien elle est en tournée de jusqu’à mars 2018. Année pendant laquelle on la verra certainement au casting de la série adaptée de la trilogie Vernon Subutex de Virginie Despentes, en préparation. A suivre.
Vanessa MdbS