Petit matin d’hiver en retard

Un retard sans raison

Une urgence animale

Un matin où la brume de l’aube,

Les tristesses de l’âme humaine

Retiennent sous la couette

 

Petit matin d’hiver en retard

Qui sauve la vie

Soudain vidée de son sens

De son sang qui se liquéfie

Il faudra panser l’avenir

Sans ceux que l’on a aimés…

Voilà ce qui s’est passé ce matin d’hiver, ce funeste et terrifiant mercredi 07 janvier 2015. Un instant la bêtise crasse est venue et a vaincue… un instant seulement, que croyez-vous ?

Et ça plombe ! Voilà le genre de blague potache que Catherine pourra faire… quand elle aura retrouvé sa légèreté.

« Souffrir en silence », on ne croit pas si bien dire quand les mots disparaissent, quand les mots ont fui, les mots partagés, les mots-avenir et qu’ils laissent place au silence, un silence douloureux, palpable.

Mais Catherine, si forte, si faible, ne veut pas fuir, ne veut pas se taire.

Surtout pas après ça !

Elle veut encore être en colère, une colère créative qui la définit si bien.

Seulement le vide s’est installé, un vide contre nature, un vide à vif.

Le retour aux sources, idéalement régénérateur, s’avère insuffisant. Il fait écho à sa propre douleur, à ce néant devenu identitaire. Un vœu revient en boucle : « envole-toi bien loin des miasmes morbides ; va te purifier dans l’air supérieur, et bois, comme une pure et divine liqueur, le feu clair qui remplit les espaces limpides », ce vœu si prédictif de Mustapha quelques jours avant le massacre où il est tué. A sa manière, Catherine, elle aussi, y a laissé sa peau.

Alors elle gratte, elle fouille, à la recherche du phénix qui est en elle. Mais avant qu’il ne daigne pointer le bout de son aile, il a besoin d’être rassuré lui aussi.

Alors Catherine convole à la beauté, aux beautés, des arts et des douceurs naturelles, qu’elle va chercher jusqu’à la Villa Médicis à Rome, mère des pensées créatives. Ici, la beauté naît du néant et des ruines, de l’antique et de l’immuable. Âmes sensibles NE PAS s’abstenir !

La légèreté, cet album très personnel, brèche ouverte sur le cœur saignant mais encore palpitant de Catherine Meurisse, parcourt à petits pas indiscrets des moments d’une vie bouleversée par un massacre. Esquissés par ce trait noir tremblé si familier rehaussé de touches de couleurs aquarellées, ces instantanés illustrent tout en nuances les sensations d’une âme troublée.

Parsemé de clins d’œil attendris et nostalgiques aux disparus du grand Charlie, sans manquer d’humour caustique, d’humeur intime et de belles pensées philosophes, ils filment la résurrection d’une voix qui n’a pas dit son dernier mot.

Preuve en est faite que tous les chemins mènent à Rome, même les blasphèmes ! Pardon, la liberté d’expression.

MD, criblée de bulles

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