Vous voir gagner jeudi soir le Trophée des Champions à New York, World Series équivalent d’un tournoi du Grand Chelem au tennis, c’est un peu comme assister à la réouverture du CBGB ou penser apercevoir les ombres animées de Janis Joplin et Leonard Cohen dans la chambre #424 du Chelsea Hotel.

A la nuance près que votre victoire face à Laura Massaro, n°5 mondiale et championne du monde 2013, elle, est bien réelle !

Finale Serme-Massaro

Quel plus bel endroit au monde que New York City pour installer le théâtre de vos exploits, après une chorégraphie en cinq sets, à deux pas de Broadway !

Mais New York, c’est aussi pour d’autres le théâtre des vaniteux.

Celui choisi par Jean-Marine, fillotte du Menhir borgne de La Trinité-sur-Mer, qui poirote pendant des heures en bas de la Trump Tower, espérant apercevoir l’improbable postiche couleur carotte du nouveau Président des Etats-Unis et lui serrer la paluche.

Celui choisi par le dit Donald, au bras de son épouse mutique et botoxée, concentré sur son discours d’investiture.

Vous étiez à quelques blocs de là, concentrée, expressive et naturelle, dans le court de verre installé au cœur de la salle des Pas Perdus de Grand Central Station.

Grand Central Station

Much more glamorous and arty.

Quel bel endroit que New York pour accomplir votre destin et écrire l’histoire de votre sport.

A près de 5.836 kilomètres de votre lieu d’entraînement quotidien à l’US Créteil Squash.

Quels parallèles saurions-nous établir entre les deux villes ?

Un univers urbain commun et c’est bien tout.

Car les buildings de la cité cristolienne n’ont rien en commun avec l’architecture Art Déco du Chrysler Building, pas plus que son B&B hôtel avec le Gramercy Park Hotel sur Lexington Avenue.

Les parcs Dupeyroux, de la Côte d’Or, des Côteaux du Sud et des Sarrazins réunis n’auront jamais le même aura que Central Park dans l’imaginaire d’un joggeur.

La gare RER Créteil-Pompadour est l’antinomie de Grand Central Station, et la notoriété de l’US Créteil-Lusitanos est inversement proportionnelle à celle des Yankees et des Knicks.

Enfin, Valenton by night n’égalera jamais la vie nocturne de Williamsburg à Brooklyn.

Créteil n’est pas l’endroit où l’on vainc. Créteil, c’est le bal de la sueur, le lieu de l’épuisement du corps après l’entraînement, le laboratoire où se construisent les victoires sur tous les continents, l’antichambre obscure de futurs exploits en pleine lumière.

New York, c’est la douce musique de la victoire.

Camille Serme embrasse son trophée

Si je devais me risquer à une comparaison alambiquée entre votre sport et la scène rock new-yorkaise, la force et la créativité de votre jeu seraient celles des New York Dolls. Ce groupe qui, le premier, dynamita la pop music sérieuse du début des seventies en apportant l’outrage, la provocation et la fureur brutale du rock’n’roll des origines, et sans qui ni les Sex-Pistols ni les Smiths n’auraient existé.

L’énergie inouïe du groupe sur scène est la vôtre sur le court. La puissance du jeu de guitare de Johnny Thunders est comparable à celle avec laquelle vous avez dynamité l’adversité, provoqué sans cesse vos adversaires Nour El Sherbini et Nouran Gohar, respectivement n°1 et n°2 mondiales, les repoussant au plus profond du court et les déstabilisant par votre vitesse.

L’esthétique de vos déplacements sur le parquet serait similaire au génie poétique et au songwriting de Bob Dylan.

L’art que vous y mettez – j’ai souvent eu le sentiment d’assister à un ballet en assistant à des matchs de squash -, s’apparenterait à celui qu’Andy Warhol introduisit dans l’univers musical du Velvet Underground.

Vous continuez à porter haut les couleurs de notre pays à travers les continents.

Nous sommes fiers de vous. Votre victoire est un peu la nôtre.

And don’t forget : ‘’You’ll never squash alone…’’

Claude Le Flohic.

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