Arrivée express à Rennes vendredi soir, alors que les Trans battent leur plein depuis mercredi déjà. Vite, vite, il faut s’imprégner de l’atmosphère du festival, et courir voir la création de Lous and the Yakuza, que la chanteuse a montée en résidence ici à Rennes, et qu’elle donne cinq soirs de suite au théâtre L’Air Libre. Les Trans Musicales accueillent chaque année une résidence de création. On y a vu Yann Tiersen, Peter Van Poehl, Gaëtan Roussel, Stromae, Jeanne Added ; bref, des artistes qui ont été un jour espoirs et qui ont littéralement explosé après leur passage à Rennes.
On assiste donc à la troisième représentation de la création 2019, ce vendredi 6 décembre 2019.
Avec un groupe de musiciens (les Yakuza – c’est la mafia japonaise – sont en peignoirs de karaté !) spécialement créé pour l’occasion : deux chanteuses gospel, un batteur et un claviériste, la très belle artiste de 23 ans, expose son corps filiforme sous un bustier très court, autant qu’elle expose son âme, qui, elle, semble avoir été bien cabossée par la vie. Sa chanson sur le viol, 4 heures du matin, est absolument terrible.
Elle évoque d’entrée une Aya Nakamura pour son côté provoc (« Je sens comme un courant d’air entre les jambes de ta mère. Elle qui t’a porté en elle, préfère sa clientèle. » : on a rarement vu plus jolie manière d’insulter quelqu’un de fils de p**e.) … et aussi pour son flow débordant de vitalité, mais en bien plus compréhensible que la chanteuse qui intrigue la presse. D’aucuns la comparent à une Stromae au masculin, pour la mixité (entre Congo-Rwanda et Belgique) mais aussi pour la justesse des paroles qu’elle écrit. C’est dans la chanson Mon ami qu’on ressent le plus ce lien :
Le spectacle est bien rôdé et Lous fait lever toute la salle dès la deuxième chanson. « J’ai besoin que vous vous leviez« . Et tout le monde de s’exécuter, en public bienveillant. Tout au long du concert, Lous aura très à cœur d’emmener le public avec elle, et elle y parviendra. On retiendra surtout un joli moment avec elle, assise au milieu du public avec son micro. On la sent comme chez elle, elle prend ses aises, et on ne serait pas surpris de la voir retirer chaussures et soutif dans un geste nonchalant et libérateur.
De sa voix grave et suave portée par les arrangements musicaux et les chœurs gospel des deux femmes en retrait d’elle, Lous explore plusieurs genres musicaux – soul, salsa latino -, pour créer une pop bien à elle. Et c’est plus que réussi. On l’attend très bientôt sur les radios, on vous parie même que la génération Z (les nés à partir de l’an 2000) va « surkiffer » !
« Adieu la chanson française d’avant, maintenant, ça ressemble à ça », s’amuse si bien à le dire Lous.
Direction ensuite le Parc Expo et ses nombreux halls pour la soirée.
Après quelques bises claquées (oui, on a réussi à retrouver quelques têtes connues dans l’immensité du lieu), nous voguons de hall en hall à la découverte de pépites musicales.
Ça a commencé avec Gilberto Rodriguez y Los Intocables.
A première vue, on les croirait tout droit sortis d’Amérique latine. A la première écoute, on les croirait tout droit venus d’Afrique ou des Caraïbes. Pourtant, les membres du groupe sont américains, et complètement métissés.
Leur projet musical est original, assez atypique : les morceaux sont des envoûtements psychédéliques, spirituels et mystiques. A base de percussions, clavier, basse et trompette, nous voilà embarqués dans des rythmes afro-cubains, un peu rock, beaucoup jazz et latino à la folie.
De quoi nous faire claquer les mains, lever les bras et bouger le popotin.
La transe (forcément, aux Trans ;)) a continué avec les filles de Los Bitchos.
Ce quintette made in London 100% féminin nous a rendues fières d’être dôtées d’un vagin et d’une paire de seins. N’ayons pas peur des mots, ces nanas-là, elles ont tout envoyé péter sur Mars tellement elles ont mis le feu au Hall 3 !
Deux Uruguayennes rencontrent une australienne à Londres (vous suivez, là ?) et se découvrent une passion pour le rock et la chicha péruvienne (la musique, pas l’alcool. Enfin, peut être les deux d’ailleurs, qui sait ?) De là, naissent les Los Bitchos.
Ces filles brillantes jouent un rock instrumental plein de soleil. C’est totalement psychédélique, c’est léger et leur vague emporte tout le monde sur son passage. On se croirait dans les années 60, alors qu’on est bien en 2019.
Du vintage glamour et sexy qui sent bon le soleil !
Et pour continuer dans la féminité – ou même le féminisme, on est allées découvrir Tribade, parce que ça nous intriguait vraiment, sur le programme. Ce trio de rap espagnol militant pour la cause LGBT jette sur le public une énergie dinguissime en sautant partout. Les trois nanas sont déjà très connues en Espagne et commencent leur conquête de l’Europe par Rennes. Les basses nous vibrent dans la poitrine ; les mots en espagnol, cette langue si chantante, nous emmènent vers l’inconnu. Il y a des gens qui défendent leurs convictions en les criant haut et fort du haut d’une scène, devant des milliers de personnes, et leur rôle est aussi éducatif. C’est le cas de Tribade.
C’est que ça nous a déjà poussé tard, tout ça ! Allez hop, au dodo les Songazinettes, demain, il y a encore beaucoup à découvrir !
Anne-Laure et Violette