The Magnetic North

Dans un salon d’hôtel, rue de la Tour d’Auvergne, Paris…

« Nous sommes le premier groupe de rock avec des géographes », s’amuse Erland, pour décrire The Magnetic North. Vendredi, sort leur deuxième album Prospect of Skelmersdale. L’occasion d’aller découvrir ce lieu avec ces trois compagnons de route.

Orkney : Symphony of the Magnetic North est leur premier album, où l’on découvre les Orcades, le lieu d’origine d’Erland Cooper, le chanteur-guitariste du groupe. Le nom du successeur prend source sur la ville où grandi Simon Tong, le guitariste. Ce dernier réagit à cette attraction vers le Nord de la Grande-Bretagne : «  Notre nom de groupe et nos deux albums se réfèrent à ce sujet, à ce Nord magnétique. On veut attirer nos auditeurs dans ces régions où tous les trois nous avons vécu. » Il dessine avec son doigt en l’air un triangle : « Nous sommes chacun à un sommet du triangle, Hannah vient d’Irlande du Nord, moi du Lancashire et Erland se trouve à l’extrême nord en Ecosse. »

The Magnetic North« Le but de cet album se tient dans le titre », commence le chanteur à la voix calme, « On prospecte, on examine, on étudie la vie des habitants et leurs mœurs, à Skelmersdale. En musique, of course ! » Ainsi avec ce trio de post-rock, nous allons explorer quelques morceaux du nouvel opus. On commence notre visite avec Jai Guru Dev, un chef religieux indien. Simon le présente : «  C’est un homme qui a beaucoup influencé la Transcendental Meditation Community. Il a été celui qui a été à l’initiative de ce mouvement repris plus tard par Maharishi Maheshi Yogi. Le gourou des Beatles. Il est aussi un mantra utilisé par John Lennon dans son morceau Across The Universe. » Erland, sur un ton amusant : « C’est une sorte de bénédiction pour notre album. »

Cette exploration se poursuit sur Sandy Lane ; le guitariste natif de la ville raconte : « C’était la rue principale de l’ancien village avant la construction de la ville nouvelle. Entre 400 et 500 habitants vivaient en ce lieu. Ils ont détruit le passé, puis reconstruit sur du neuf. Maintenant à  la place, il y a un énorme centre commercial. Au final, elle a perdu son statut d’ « High Street ». Elle est devenue une rue quelconque avec son temple de la consommation. »

Skelmersdale est une ville nouvelle construite dans les années 60. Elle était l’espoir d’une nouvelle société, où tout le monde vivrait en harmonie et en suffisance. Ainsi dans le morceau Signs, on retrouve l’utilisation de l’Utopia de Thomas Moore. Le guitariste/claviériste : «  C’est un discours que nous avons pris dans un document pour promouvoir la ville à ces débuts. Il compare le livre de l’humaniste anglais à cette nouvelle ville qui venait d’être construite. » Pour Simon, elle était loin, d’être une utopie : « Elle était supposée l’être. Ils ont voulu se calquer sur le modèle de réussite scandinave. En faite, ils ont bâti un « failtupia » ». Erland ajoute : « C’est devenu une véritable blague, car la misère et la pauvreté se sont installées. » Hannah Peel, la charmante musicienne irlandaise, prolonge la conversation : « Les industries qui se sont implantées tout autour, se sont vite retrouvées fermées. En plus il n’existait pas de gare ferroviaire. Ils étaient un peu coupés du reste du Royaume-Uni. Les gens devaient se débrouiller par eux-mêmes, en voiture, ou en bus. Ce n’était pas chose facile de vivre dans cette ville. » Simon reprend : «  Le pire, comme les personnes ne trouvaient pas de travail sur place ; certains ne pouvaient pas se procurer une voiture ».  Enfin, Erland conclut : «  C’est une ville triste un peu comme dans toute les villes nouvelles dans le monde. Par exemple : Cergy-Pontoise… » Petit clin d’œil à l’auteur. En effet, un des titres des morceaux de Prospect of Skelmersdale porte le nom de la ville nouvelle française du Val-d’Oise, jumelée avec celle du Lancashire. Ils ne l’ont pas encore visitée, mais ils y pensent, la preuve avec Hannah : «  C’est un rêve à réaliser. Elle est un mirage à cause de la distance qui nous sépare. » Les trois musiciens demandent si Songazine la recommande. Pas vraiment. Un rire collectif brise l’ambiance feutrée du salon. Erland avec le sourire : « Nous l’imaginions comme des gamins de douze ans, comme une ville exotique, palpitante, » et « romantique » pour Hannah.

The Magnetic NorthL’excursion continue avec Little Jérusalem : «  C’est un surnom amusant donné par les habitants, à un quartier de la ville, Tan House. Les immeubles ressemblent étrangement à ceux de l’ancienne ville du Moyen-Orient. C’est dû aux bâtiments blancs adossés à la colline. »  Dans les nombreuses influences, on retrouve un certain Ted Hughes, un poète anglais du XXème siècle, Simon : «  Il a été d’une importante inspiration. Ses talents d’écrivains sont magnifiques. Remains of Elmer est une sorte d’hommage à son recueil Remains of Elmet (1979). Il vient lui aussi du Nord, du Yorkshire. Je le trouve intéressant. Il a su garder une certaine magie, de l’esprit des bardes celtes. Cela collait bien avec le passé viking de Skelmersdale. » Hannah lui pose une question sur la signification d’Elmet. Simon répond : «  C’est un ancien royaume celte qui a survécu aux incursions anglo-saxonnes et vikings ».

On termine notre tour dans un pub, The Silver Birch : «  C’est le nom de l’établissement qui a brûlé il y a quelques années. Son nom signifiait un bosquet de bouleaux verts qui y était planté, juste avant d’être rasé par l’homme. Je l’aime bien cette chanson car elle est très légère et détendue, » commente le natif de Skelmersdale.

« Je te donne ma bénédiction pour écrire l’article, » sourit Erland à la description de Prospect of Skelsmerdale. Songazine le caractérise par ces mots : beau, poétique, d’une douce mélancolie, apaisant, évasif.  Le terme de « bon pour la méditation » a été suivit d’un étonnement et d’un rire de l’assemblée.

Notre trio appartient à un autre groupe que produit l’homme des Orcades : Erland and The Carnival. Songazine vous invite à écouter Closing Time (2014). The Magnetic North a un dernier mot : « Jai Guru Dev », Erland plaisante : « Hannah, essaye de le dire à l’envers ». Elle le tente « Ved Urug Iaj ». Et vous ?

Thomas Monot

Bonus lien :

Signs

Closing Time

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