Gaston Carré, ancien psychologue devenu journaliste au Luxembourg, se passionne décidément pour les Rolling Stones.
Cet homme au nom de résistant communiste était en effet déjà auteur d’un Retour à Jajouka, un bel ouvrage entre récit de voyage au Maroc, essai littéraire et biographie, le tout consacré à Brian Jones.
Son Satisfaction est cette fois dédié au cas Keith Richards, ce diable de guitariste ambivalent à tête de pirate. Et pour le coup, Gaston a réalisé cette fois une sorte de roman sous forme d’interview… Imaginaire!
C’est à dire qu’il s’est imaginé en tête à tête face à Richards dans un fameux hôtel de Tanger à la fin de la dernière tournée des Stones… Rapportant donc dans ce livre des propos… fictifs! L’intérêt de la chose peut tout à fait sembler discutable.
Pourtant, l’ouvrage s’avère parfaitement crédible, passionnant et fort bien écrit et documenté. Keith évoque ses enfants, Brian et Mick, les tournées harassantes, le terrible épisode d’Altamont, sa toute aussi effrayante première cure en Suisse, sa maison du Connecticut, sa passion pour les chiens, les addictions… « Arrêter la cigarette, c’était insupportable . Non pas la privation, mais le renoncement. L’idée que j’allais renoncer de mon plein gré ».
Il ajoute plus loin : « Après la montée, la descente, après la foule, la solitude. C’est comme ça que tu deviens toxico, d’ailleurs ; un rail avant pour la trouille, un rail pendant pour tenir la forme puis un autre après pour gérer la descente. »
Certaines autres déclarations imaginées ou sans doute empruntées à de véritables interviews passées sont toutes aussi mémorables : « C’est le public qui invente, qui se projette sur nous, qui entend notre musique comme une caisse de résonance de ses propres attentes ».
On comprend que Tanger a été une ville importante dans la vie des Stones, entre l’hôtel Minzah, l’épicerie Baba et le café Hafa.
Et on saisit fort bien qu’à 80 ans, Keith est assez sage pour comprendre qu’il ne peut plus jouer le grand flamboyant. Le public, lui, réalise (si cela n’était pas déjà fait) que le charisme et le talent exceptionnels de ce « Midnight Rambler » sont incontestablement voués à l’éternité. « Personne n’est dans ma tête, même pas moi » aurait déclaré Keith Richards dans Rock & Folk.
Gaston Carré s’est en tout cas trouvé une place de rêve dans cet encéphale octogénaire et reptilien et y invite le lecteur avec bonheur et plausibilité.
Yannick Blay