Refused, légende vivante du punk hardcore suédois, avait terminé sa carrière à la fin des années 90, après un album et une tournée tout simplement stupéfiants (pas mal, pour des straight edge). The shape of punk to come, sorti en 1998 et succédant au génial et déjà renversant Songs to fan the flames of discontent, avait fait figure de révolution copernicienne au sein du hardcore européen tandis que la tournée qui suivait, survoltée et déraisonnablement prodigue en énergie, mettait la touche finale à l’explosion en plein vol de l’un des meilleurs groupes de la décennie. Pendant un peu moins de quinze ans, les veinards qui avaient assisté à ce chant du cygne assourdissant ont gardé le souvenir d’un groupe inclassable et fabuleux qui ne s’était rien interdit, n’avait rien économisé de sa créativité ni de ses forces et les avait secoués comme des pruniers incroyablement heureux de se trouver là, au pied de cette scène embrasée par des forcenés scandinaves aux bras malingres et aux cheveux teints noir de jais, qui réinventaient le rock’n’roll dans toute sa sauvagerie et son génie.
Et puis, en 2012, la nouvelle tombe : Refused se reforme pour quelques concerts. Dont une prestation au Hellfest. Ce qui ne devait être qu’une résurrection éphémère se prolonge et le groupe n’en finit plus de partir pour de bon. Au printemps 2015, l’album Freedom est annoncé. On a du mal à y retrouver la magie des années 90. Ils ont vieilli, nous aussi. Dennis Lyxzén a abandonné les teintures improbables et les hurlements exaltés. Sa musique sent le propre, le réfléchi, le trop bien produit. La colère et cette force qui rend parfois belle la jeunesse s’en sont allées, voilà tout.
Et pourtant, à un concert de Refused, comme à tous les frémissements de plaisir dans l’échine que nous envoie la vie, on ne peut décemment pas dire non. Parce qu’autant d’énergie n’a pas pu disparaître*, parce que Dennis Lyxzén retrouve de la rage dans la voix quand il fait face à son public, parce que ce sera peut-être le meilleur concert de votre existence et parce que le silence après Refused, c’est encore du Refused.
Henriette de Saint-Fiel
* La preuve, un extrait live de 2012 qui fleure bon la cuvée 1998