La Renarde (titre original : Gone to earth) est le deuxième roman de Mary Webb (1881-1927). Et probablement une curiosité dans le paysage littéraire anglais. À la fois manifeste féministe et pamphlet contre la domination des hommes sur la nature, ce roman de 1917 est étonnamment moderne. Un siècle après sa parution, la liberté sexuelle des femmes, la reconnaissance de leur désir et le respect de leur volonté – idées à l’époque subversives défendues par l’autrice – ne sont toujours pas une évidence. Hazel Woodus, jeune sauvageonne élevée dans la forêt, a une relation fusionnelle avec la nature et s’intéresse bien peu à ses semblables. Malheureusement, sa beauté attire le regard de deux hommes très différents qui ne voient en elle qu’une créature à apprivoiser ou à exploiter sans jamais se demander quelle relation elle veut. Mary Webb oppose à chaque page la brutalité, la cruauté et le vain désir des hommes de posséder et de détruire à la beauté et la candeur de la nature. Sans trop laisser d’illusion sur l’issue de ce duel, la romancière ensorcelle le lecteur qui se prend à espérer un instant que les renardeaux ne soient pas déchiquetés par les chiens de chasse. Foncièrement pessimiste et écorchée vive jusqu’à la fin de sa courte vie, Mary Webb brosse un portrait particulièrement noir de ce qu’on appelle la civilisation et se range résolument du côté des faibles, des « inutiles » et des proscrits. Une très belle histoire servie par une écriture sensible et une sincérité touchante. La Renarde est un roman difficilement classable, assurément marquant, qui résonne étrangement à notre époque où la nature se rappelle violemment au souvenir d’une humanité qui croit encore pouvoir l’ignorer.
Henriette de Saint-Fiel