Dans un fast-food, Levallois…
L’histoire commence avec un jeune pré-adolescent rebelle qui écoutait du Metal cliché et du teenage punk. Son père qui vendait des disques sur des brocantes, lui a conseillé d’arrêter d’écouter ce genre au profit de compiles de classique 77. Depuis, il est converti au punk. Metal Urbain et Cie fut son domaine. Plus tard, il écrivit dans un fanzine indépendant, underground et pointu sur la musique actuelle. Il ne se sentait pas dans son élément. C’est alors, qu’il s’est projeté dans un label cassette. Le Turc Mécanique. Cet ancien jeune adolescent rebelle se prénomme Charles.
« Je me suis lancé dans l’aventure avec cette fameuse cassette compil’ qu’on appellera : un manifeste raté, » commence-t-il. C’était en 2012, il s’en souvient : « C’était une cassette sept titres conçue avec une amie peintre aux Beaux-arts. Un enfer ce projet, car il a coûté cher, ça a mis du temps à circuler et à être valorisé. » Il relativise : « Pourtant il y avait quand même de bonne choses dessus, comme Punk Are Fags, Dead Mantra, Seventeen At This Time. Ce sont des groupes dont nous étions proches ou le sommes encore et sont parfois encore présents dans le label. » Depuis le Turc Mécanique a grandi, parfois, il s’accorde quelques cassettes. « Je continue un peu. J’avais sorti des remixes d’Empereur, l’année dernière. Maintenant, je le considère comme une petite sucrerie, un bonbon. Ce n’est pas réellement une vrai sortie. »
Il produit tout seul, sans l’aide de stagiaires. Il l’avoue ne pas être bon à déléguer une part de son travail. Les groupes du Turc Mécanique, en majorité, ne viennent pas de Paris, pour une raison qu’il explique : « Il y a un fonctionnement assez rigolo, qui ne dépend pas que de moi. Souvent, les labels parisiens produisent des groupes de la capitale qui sont généralement nuls. En effet, à Paris, ils sont plus tournés vers la culture médiatique à cause peut-être d’une éducation bourgeoise. Il existe moins ce rapport « Allons jouer. J’ai envie de faire du bruit, alors je vais le faire » ». Il reste tout de même des irréductibles comme il le précise : « De l’autre coté, tu as des mecs qui vivent à l’écart de tout ça. Ils ont toujours été étrangers à tout ça. Tu prends le cas de Teknomom. Ils ont eu, d’abord, un intérêt avec la bande-dessinée, une culture un peu nerd. Quand ils se sont mis à la musique, ils étaient libres. Ils possèdent une ambiance tirée des Bérurier Noir, de teuf ou de rave. Ils baignaient dans une ambiance punk, un peu salace. Ils ont peu de matos. Je crois que c’est l’un des derniers à avoir un set-up à moins de 1000 euros en musique électronique. » Au final, les formations arrivent des quatre coins de l’Hexagone et plus : « Bordeaux, Lyon, voire même Bruxelles, Strasbourg. Tu as Delacave qui est de Gigors et Lozeron (26, Drôme). Et qui sont entrain de bouger vers Marseille je crois. J’ai Hystérie qui est de Castres. Alors que cette ville est complètement morte au niveau musique. »
Montebourg, Empereur, Balladur, Jardin, Strasbourg sont des noms de groupes du catalogue du Turc Mécanique. Une originalité
dont il vient de se rendre compte récemment : « C’est vraiment involontaire. Je ne veux pas tomber dans le cliché : « Si tu veux signer chez moi, il faut que tu aies un nom de merde, genre : Anus Gourmand. C’est plus le reflet d’un esthétisme. » Il développe son idée : « Je pense que ces noms débiles viennent de ce sentiment de « malaise contemporain ». L’ADN des groupes. C’est un esprit en mode : « On a rien à espérer, mais on a envie de faire des choses. » Il conclut : « Je crois que Bajram Bili est le seul à avoir à peu près un nom googlable. D’ailleurs, bientôt, nous aurons SIDA.»
Charles déteste l’idée de créer un label où il ne passe qu’un type de musique. Il est pour la diversité : « Je suis un peu las de
l’appellation post-punk qu’on m’attribue. Elle est réductrice et illégitime. Je me qualifierais plus comme label de « disques punk modernes 2016 ». Tu prends Jardin. Il est très house music, mais en mode punk. C’est puissant et dingue ! Bajram Bili est plus référencé punk-rock. Empereur est peut-être un peu post-punk. » Enfin il a trouvé la vraie définition : « Nous sommes un label où on n’est pas content. Ici, tu rentres dans une optique : « Soit tu n’es pas très content et tu t’énerves, soit tu n’es pas très content et tu te mets à faire de la musique pour rêver d’autre chose. »
Les labels indépendants français sont « une communauté, une contre-culture. Si on veut contre-culturer plus fort, on est obligé de s’entraider et non se mettre des grands kicks dans les pattes », commente-t-il. Il conseille à tous de fonder un label : « Les gens doivent créer les leurs. Dès que tu as un peu de temps, un peu d’argent, il faut se lancer. Plus on est nombreux, plus on peut offrir d’alternative aux gens. Je sais qu’avec Le Turc Mécanique, les personnes autour de moi savent qu’il existe des labels alternatifs. Tout ce monde crée une culture qu’il faut faire macérer dans la société. » Et il a un dernier mot pour la fin : « En fait, ça rend heureux de créer un label ! »
Thomas Monot
Le bandcamp du Turc Mécanique.