Quand j’étais petit, au cinéma, j’adorais les scènes où le héros risque sa peau, est en péril, affronte les méchants. Les meilleurs moments, quand c’est tendu…
Et là, résonnait ce que je baptisai « la musique dangereuse ». Évocatrice, puissante, pleine d’accords mineurs. Yeek, la B.O. qui fait toute la différence.
Je ne suis plus petit, j’aime toujours le cinéma, mais j’ai développé un goût inaltérable pour les musiques « dangereuses », qui se sont présentées à moi.
J’ai eu 20 ans et j’ai été brûlé par la terrible lumière incandescente de Joy Division, Cabaret Voltaire, DAF, Fad Gadget, The Fall, Marquis de Sade… tous ces gens qui mettent de la tension, glaciale ou brûlante dans leurs morceaux. Ce n’est pas la branche la plus fun du rock and roll, mais en tout cas celle qui fait vibrer mon cœur, à nulle autre semblable pour votre humble serviteur et celle au chevet de bien de romantiques profils.
En France, on n’a pas de pétrole, on a quelques idées et très peu de groupes rock qui tiennent le pavé. Parmi eux, Frustration, solide esquif de la cold wave parisienne qui fluctuat nec mergitur depuis 2002. Du talent, de la classe, du style et des fans fidèles (dont Songazine !). En live, leur morgue apparente fait sauter en l’air les fidèles et opiner du chef les vieux comme moi, bien calés au fond, avec leur T-shirt Unknown Pleasures tout élimé.
Photo Blaise Arnold
Ils nous offrent sans discontinuer des albums, EP, singles toujours impeccables, via le grand label Born Bad Records qu’on ne présente plus.
Leur tout dernier bac de glaçons délicieux s’intitule So Cold Streams et vaut encore une fois le détour.
Si vous aimez, bien entendu, les rythmes ultra-martiaux, la basse qui tonne, les guitares acides, les synthés étranges et obsédants, le chant qui ne rigole pas et met son âme en vitrine, cet album est pour vous.
Les ambiances évoquent la folie, la rage, le grand soir qui arrivera un jour, Mishima, des esclaves, plein de malaises à fleur de peau ou universels.
On aime, on like, on plussoie et on est en joie (froide, la joie, bien sûr).
L’histoire, le quotidien rejoint la fiction : expulsés avec d’autres artistes de Main D’œuvres (voir article), centre culturel martyre désigné du profit sans cœur et de la mauvaise politique à courte vue, les Frustration sont excellents contre vents et marées.
On les écoutera encore. Le combat continue. La bande-son de notre vie est chaque jour davantage une musique dangereuse.
And I like it. Cold, as you can guess.
Jérôme « Saint Germain en Laye MOD » V.