N’y cherchez pas le bonheur, ce n’est pas le sujet.
Quatre tomes magistraux qui s’enfoncent inexorablement dans la noirceur de l’âme du monde. Et vous avec.
Blast, titre bref et cinglant, tel une onomatopée explosive, éclate au visage, coupe le souffle à force d’images chocs et de géants moaïs, fourrage dans les entrailles, jusqu’au bout des doigts qui hésitent à passer le coin de la page, jusqu’au bord des yeux qui se ferment à demi aux abords de la prochaine case, la prochaine onde de choc !
Tout au long de cette BD haletante, Manu Larcenet explore le spectre des gris et des noirs, stylistique des ténèbres de la nature humaine. La lumière ne pénètre pas dans ces pages, même quand le soleil se lève sur un ciel épuré de printemps.
Seules pauses accordées, bien qu’éphémères, les retours en cellule de garde à vue. Car c’est bien d’une enquête policière dont il s’agit, côté aveu et non investigation, prétexte à une narration fleuve du parcours erratique du suspect.
Polza, personnage central soumis aux effets du blast, traîne après lui deux tares majeures : une obésité monstrueuse qui ancre son corps à la terre ferme, là où il n’aspire qu’à la légèreté, et une anthropophobie notoire, une haine farouche de la société humaine qui le pousse à rompre avec ses attaches, déjà faibles, en quête de renouveau.
Fuite désespérée dans le giron de Mère Nature pour tenter de se dessaisir de ce corps hideux qu’il maltraite inlassablement, ses errances le mènent aux franges de la société. Là se retrouvent, seuls ou en petite communauté recousue, les asociaux, les anormaux, les gentils fous mais aussi les fous dangereux, et ceux qui abritent dans leur intégrité ces deux opposés de la folie.
Alcoolique d’envergure et goinfre invétéré de barres chocolatées, l’état débridé dans lequel se tient sans cesse Polza est bien la condition essentielle pour révéler son véritable soi… et la violence qu’il contient. Inévitablement.
Telle est en effet la question posée : quel genre de folie abritons-nous dans nos tréfonds, une fois levé le voile normé de nos vies rangées ? Jetez-y donc un coup d’œil !
Le blast est-il sauvetage ou destruction ? L’ambivalence est de taille. Polza, lui, vous en dira long…
MD, blastée